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jeudi, 05 août 2021

Jacques de Mahieu: un éclaireur du nordicisme en Amérique romane

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Jacques de Mahieu: un éclaireur du nordicisme en Amérique romane

par Georges FELTIN-TRACOL

Longtemps spécialisées dans la publication des essais de Julius Evola en France, les éditions Pardès ont lancé une collection « Qui suis-je ? » qui consiste en une biographie d’un personnage politique, historique, littéraire, artistique ou philosophique ramassée en cent-vingt pages pourvue de nombreuses illustrations. Le cent-vingt-troisième numéro de cette excellente série concerne une personnalité française fort connue en Amérique du Sud : Jacques de Mahieu.

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Président de la Société des écrivains normands et auteur de huit ouvrages, sans oublier les travaux collectifs qu’il anime, Franck Buleux s’attache dans une vie tumultueuse à séparer les faits des rumeurs. Outre une existence toujours brumeuse, Jacques de Mahieu déroute par ses constats. Diplômé ès-lettres et professeur de philosophie, il se réfugie en Argentine dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Deux ans plus tard, il enseigne déjà dans différentes universités du pays. Il appartient de 1952 à 1955 à l’Académie argentine de sociologie et fonde à Buenos Aires en 1968 l’Institut des sciences de l’homme. Il se fait connaître dans la décennie 1970 du public français grâce à des ouvrages que les éditeurs rangent d’autorité dans l’« archéologie                   mystérieuse ».

Du royalisme français au justicialisme argentin

Un halo de mystères entoure donc Jacques de Mahieu. Ce Marseillais né le 31 octobre 1915 se nomme en réalité Jacques Auguste Léon Marie Girault. Étudiant, il adhère à l’Action Française de Charles Maurras, milite parmi les Camelots du Roi et donne des articles à L’Action Française et à L’Étudiant français. Il préside aussi l’association Georges-Cadoudal.

Après la débâcle de 1940 et la chute de la IIIe République, il soutient dans le sillage de Maurras la Révolution nationale du Maréchal Pétain. Si Franck Buleux n’exclut pas que Jacques Girault ait rejoint la Milice française, il écarte en revanche la thèse régulièrement répétée d’un engagement dans la Waffen SS. Pour échapper aux folies sanguinaires de l’Épuration, il prend pour pseudonyme le patronyme de la grand-mère maternelle de sa future épouse Florence: de Mahieu.

Devenu Jaime Maria de Mahieu en Argentine, Jacques de Mahieu se révèle un vibrant soutien du péronisme qu’il considère comme la manifestation d’une véritable troisième voie politique, sociale et économique. Franck Buleux apprend au lecteur français la parution de 1949 à 1969 d’une douzaine d’ouvrages consacrés au dépassement du capitalisme et du collectivisme. « Mahieu jouera un rôle intellectuel en tant que conseiller à l’école de conduite politique péroniste, et rédigera, à la demande même de Peron, un guide doctrinal national justicialiste (p. 43). » Mais il va plus loin. Au nom de la société organique, il préconise une « société […] fondée sur des communautés populaires liées aux métiers (p. 45) ». Partisan de l’unité de l’Amérique ibérique, il « plaide pour un État unitaire et autoritaire, tout en estimant que l’exercice de son pouvoir doit se limiter à sa fonction régalienne, tout en respectant et en encourageant la responsabilité individuelle et les forces des groupes sociaux et des communautés intermédiaires. Il réaffirme le souhait d’une présidentialisation du régime, le dirigeant de la nation, chef de l’État, exerçant ses fonctions pendant dix ans renouvelables et se situant au-dessus des trois pouvoirs (p. 45) ».

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Ce farouche anti-individualiste adapte la pensée maurrassienne au contexte argentin et, plus généralement, à celui du Cône austral. Le nationaliste intégral français en exil se retrouve dès la fin des années 1950 salué comme « une référence idéologique pour des nationalistes argentins, alors qu’il n’a même pas la nationalité du pays (pp. 51 – 52) ». Le paradoxe ne s’arrête pas là. À la même époque, « Jacques de Mahieu devient l’idéologue du Mouvement nationaliste national-catholique Tacuara (p. 114) ».

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Le Père Julio Meinvielle.

Nationalisme organique et réflexions biopolitiques

Créé vers 1955, inspiré par les prêches de l’abbé thomiste Julio Meinvielle (1905-1973), le Mouvement nationaliste Tacuara exige l’avènement d’un État phalangiste et national-syndicaliste dont la devise serait « Dieu, Patrie et Foyer ». Si certains de ses membres acceptent avec enthousiasme le péronisme et expriment un anti-sionisme radical au cri de « Nasser et Perón, un seul cœur », d’autres restent anti-péronistes. Avant de disparaître vers 1965, le mouvement connaît une grave scission en 1963 avec la formation d’un Mouvement nationaliste révolutionnaire Tacuara (MNRT) qui tend vers les milieux activistes péronistes de gauche. Jacques de Mahieu prend en compte cette évolution « sinistrogyre » puisqu’il va jusqu’à « prêcher un nationalisme s’ouvrant à la gauche, notamment à travers son essai fondamental, intitulé Evolución y Porvenir del Sindicalismo (L’évolution et l’avenir du syndicalisme) et depuis les colonnes de la revue argentine Social Dynamics (Dynamique sociale); ce magazine, édité par le Centre d’études économiques et sociales, a comme directeur Carlos Scorza, dernier secrétaire général du Parti national fasciste (PNF) italien, fondé par le Duce (p. 54) ». Parallèlement, l’universitaire « intervient auprès des forces armées de la République argentine (p. 55) » et leur explique la subversion révolutionnaire et la lutte anti-marxiste.

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Carlo(s) Scorza en Argentine à la fin de sa vie.

Jacques de Mahieu fréquente par ailleurs le Nouvel Ordre européen, scission du Mouvement social européen, du Suisse Gaston-Armand Amaudruz et les premiers cénacles du GRECE. Il siège bientôt au comité de patronage de Nouvelle École. Avec l’aide du médecin hygiéniste québécois Jacques Baugé-Prévost (1937 – 2017), il publie en 1969 un Précis de biopolitique. Par « biopolitique », il entend « lier la politique, c’est-à-dire l’organisation sociale, à la vie, [… soit] se fonder sur un raisonnement mêlant la nature humaine et la vie sociale (p. 77) ». C’est dans cet essai magistral qu’apparaît ce néologisme que Michel Foucault reprendra lors de ses leçons sur la « médecine sociale » prononcées à Rio de Janeiro au Brésil vers 1974. Ainsi expose-t-il la « biopolitique » comme un dispositif d’exercice d’un pouvoir qui agit désormais, non plus sur des ensembles géographiques, mais plutôt sur la vie des individus et l’existence des populations prises dans une acception statistique. De cette vision de la « biopolitique » découle le biopouvoir, à savoir le contrôle global des populations à travers des questions sanitaires.  

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Pour Jacques de Mahieu, la biopolitique n’appartient pas à l’« idéologie 68 » ou au commencement de la French Theory. Au sempiternel débat entre l’inné et l’acquis, il estime que la nature de l’homme repose « sur deux éléments : son hérédité biologique, l’inné, mais aussi l’influence de son environnement, l’acquis (p. 76) ». On sait aujourd’hui que les perturbateurs endocriniens et les substances de la pilule contraceptive rejetés dans l’environnement altèrent l’organisme des poissons et handicapent les fœtus humains. Ainsi faut-il inscrire le professeur Jacques de Mahieu parmi les précurseurs de l’écologie médicale. Tout en reconnaissant l’inégalité humaine, il ne verse pas dans la raciologie. Cela ne l’empêche pas de réfuter le mythe délétère de la société poly-ethnique (ou multiculturaliste). Aussi ne comprend-il pas l’apartheid qui favorise « un développement séparé des cultures, mais sur un territoire commun (p. 83) », ce qui ne peut qu’inciter et stimuler auprès des ethnies concernées des « sentiments de crainte, de défiance, voire de haine (idem) ». L’actualité récente de l’Afrique du Sud « arc-en-ciel » prouve la pertinence de son analyse.

Des recherches historiques décalées

Sa rencontre avec Jean Mabire est un moment décisif pour lui. L’écrivain, chantre de langue française du nordicisme normand, variante locale du folcisme, partage en grande partie la vision politique et historique fulgurante de l’enfant de la Canebière installé au bord du Rio de la Plata. À travers Le Grand Voyage du Dieu-Soleil (1971), L’Agonie du Dieu-Soleil. Les Vikings en Amérique du Sud (1974), Drakkars sur l’Amazone (1977), Les Templiers en Amérique (1980) et La Fabuleuse Épopée des Troyens en Amérique du Sud (1998), il présente ses recherches archéologiques et ethnologiques conduites dans diverses contrées d’Amérique du Sud, en particulier au Paraguay. Les Vikings ne se sont pas contentés d’occuper le Vinland (littoral canadien). Ils ont navigué le long des côtes de l’Atlantique et essaimé en Amérique australe. Ces « hommes du Nord » seraient donc à l’origine des civilisations aztèque et inca. Des descendants de Vikings vivant dans le duché de Normandie mentionnent ces explorations ultra-marines dans les commanderies de l’Ordre du Temple. Les Templiers n’hésitent pas à traverser l’Atlantique. Les expéditions vikings et templières à travers la Mer Océane sont consignées dans les salles de la Bibliothèque royale de Lisbonne. Interdits en Occident, les Templiers du Portugal et d’Écosse intègrent des Ordres nationaux fondés par leurs souverains respectifs à leur intention. Le Corse d’origine génoise Christophe Colomb obtient le droit de consulter portulans, journaux de bord et récits de seconde main de ces traversées avant de proposer tour à tour aux souverains portugais, français et castillan son projet de se rendre en Asie par l’Ouest.

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En 1979, Jacques de Mahieu sort chez Copernic, l’éditeur historique du GRECE, L’Imposture de Christophe Colomb. La géographie secrète de l’Amérique. Les milieux universitaires officiels ne peuvent que dénigrer l’hypothèse avancée par un historien « franc-tireur ». Pourtant, à l’instar de la traversée du Pacifique par un radeau, le Kon-Tiki de Thor Heyerdahl en 1947, qui confirme de manière empirique le peuplement de la Polynésie depuis la côte andine, la théorie historique iconoclaste de Jacques de Mahieu s’insère avec un autre vocabulaire dans la philosophie de l’histoire si bien décrite par Julius Evola dans Révolte contre le monde moderne (1934). Le raisonnement du Français exilé n’est pas plus aberrant que les affirmations délirantes de Martin Bernal dans Black Athena (1996). Cet essai examine de supposées « racines afro-asiatiques de la civilisation classique » albo-européenne.

Malade, « Jacques de Mahieu s’éteint à Buenos Aires (p. 114) », le 4 octobre 1990. Merci à Franck Buleux qui fait redécouvrir un grand esprit éclectique dont les ouvrages historiques sont encore disponibles chez les bouquinistes ou chez Dualpha. Oui, Jacques de Mahieu appartient à cette race rare de chercheurs contre le Temps.

Georges Feltin-Tracol

  • Franck Buleux, Jacques de Mahieu, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », 2021, 128 p., 12 €.

vendredi, 16 juillet 2021

Pauvre peuple cubain

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Jordi Garriga 

Pauvre peuple cubain

Ex: https://www.mediterraneodigital.com/opinion/columnistas-de-opinion/jordi-garriga/cuba-libre

Je ne suis jamais allé à Cuba, mais tous les témoignages directs me confirment la grande misère qui règne dans ce pays. Je n'ai pas besoin que les médias ou les ennemis du régime me parlent de la triste situation, ni qu'ils l'exagèrent. C'est clairement indéfendable.

L'expérience cubaine est l'exemple parfait de l'aspect irréel et utopique du village d'Astérix. Dans les bandes dessinées des héros gaulois affrontant l'Empire romain, seule la potion magique les a sauvés de l'anéantissement par les légions. Cuba n'avait pas de potion, il avait le bloc soviétique.

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La révolution qui a porté Fidel Castro au pouvoir était une révolution contre une autre dictature, celle du général Batista. De 1952 à 1959, il y a eu à Cuba un gouvernement dont le président avait un salaire plus élevé que celui du président des États-Unis, qui a fait de l'île un centre international de trafic de drogue, un casino et un bordel pour les Yankees, où la mafia possédait des hôtels et des salles de jeu. Un tiers de la population cubaine vivait au seuil de pauvreté et la situation était particulièrement triste dans les campagnes : seuls 11% des paysans consommaient du lait, 4% de la viande et 2% des œufs. 43% étaient analphabètes.

Après le triomphe des révolutionnaires, le gouvernement américain lui-même a soutenu le nouveau régime, car les Yankees étaient conscients du désastre et de la corruption générés par leur employé Batista. Dans ce nouvel état des choses, Castro n'était que le commandant militaire. L'idéologie même de Fidel était une énigme pour les services secrets américains eux-mêmes : lors d'une comparution devant le Congrès en décembre 1959, le directeur adjoint de la CIA a déclaré : "Nous savons que les communistes considèrent Castro comme un représentant de la bourgeoisie".

Cependant, les premiers pas de Castro, en tant que président au cours de ses deux premières années de mandat, ont provoqué une réaction des États-Unis. Si Batista avait été "un fils de pute, mais notre fils de pute", le nouveau gouvernement cubain n'était pas très docile et la CIAa immédiatement entamé une escalade d'attaques, de bombardements, de tentatives d'invasion, d'attentats, de boycotts, etc. qui a facilité le rapprochement avec l'URSS. Le village cubain d'Astérix n'avait pas d'autre issue à l'époque. Ainsi, en 1961, Castro s'exprime ouvertement en tant que marxiste-léniniste, inaugurant une confrontation à tous les niveaux avec le géant du monde occidental.

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Ce castrisme anti-occidental a duré jusqu'à aujourd'hui, où il semble que le peuple cubain en ait assez. Mais je crains qu'ils en aient assez depuis des décennies. Il s'agit certainement d'une situation très difficile : les Cubains, comme tous les habitants de la planète, veulent vivre en paix et en bénéficiant d'un certain degré de bien-être. Il semblerait que ce bien-être proviendrait du côté américain. Mais en quoi consisterait ce bien-être ? Car dans les pays qui les entourent, comme Haïti, avec le revenu par habitant le plus pauvre des Amériques et 80% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, ou la Jamaïque, avec une dictature cachée de quelques familles qui contrôlent l'économie... le système économique est capitaliste et l'intégrité des gouvernements y est plus que douteuse.

En fin de compte, tout est affaire de géopolitique : la chute du régime cubain pourrait bien se décider dans des bureaux éloignés de La Havane, que ce soit à Washington, Pékin ou Moscou. Il s'agit d'un grand jeu sur l'échiquier mondial et Cuba n'est qu'une pièce de plus. Que la balance penche d'un côté ou de l'autre, c'est le peuple cubain qui paiera la facture : blocus, faim et résistance ou colonisation, capitalisme sauvage assorti d'idéologies post-modernes...

Le principal crime du régime communiste cubain, outre le maintien d'une idéologie historiquement ratée, est de ne pas avoir les dimensions chinoises et de n'avoir jamais pu garantir à son peuple la pleine souveraineté et le développement de son bien-être, de ses plans et de ses objectifs.

Jordi Garriga
Technicien industriel spécialisé dans la gestion des CNC. Collaborateur de plusieurs médias espagnols et étrangers en tant qu'auteur, traducteur et organisateur. Essayiste, il a publié plusieurs ouvrages sur des sujets historiques, politiques et philosophiques. Il a été un militant et un cadre politique des Juntas Españolas et du Mouvement social républicain.

jeudi, 08 juillet 2021

Entretien avec le philosophe et politologue argentin Marcelo Gullo Omodeo

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Entretien avec le philosophe et politologue argentin Marcelo Gullo Omodeo

Propos recueillis par Carlos Javier Blanco

(source : La Tribuna del País Vasco)

"La gauche a transformé l'Espagne en une nation autruche qui cache sa tête face aux deux grands problèmes qui menacent son existence."

Docteur Gullo Omodeo, dites-nous : le titre de votre dernier livre, "Madre Patria", de quoi parle-t-il ?

Le titre du livre est en soi une déclaration de principe. C'est-à-dire qu'il s'agit de l'expression des croyances essentielles de Marcelo Gullo Omodeo en tant qu'individu, mais aussi de l'expression des croyances essentielles que le peuple argentin et hispano-américain dans son ensemble avait avant que la falsification de l'histoire n'obscurcisse la conscience du peuple. Tous les grands leaders populaires, de Juan Manuel de Rosas à Juan Domingo Perón en passant par Hipólito Yrigoyen, aimaient l'Espagne et la considéraient comme notre Mère Patrie, tandis que les représentants de l'oligarchie pro-britannique, certains à voix basse, comme Bartolomé Mitre, et d'autres à voix haute, comme Domingo Faustino Sarmiento, détestaient l'Espagne. D'autre part, le titre du livre est inspiré d'un tango de Carlos Gardel où il appelle l'Espagne "Madre Patria querida de mi amor" (Chère patrie de mon amour). C'était le sentiment de la majorité de la population argentine et hispano-américaine avant que le poison de la "légende noire", à travers la propagande culturelle de la "gauche cipaya" - dont l'expression politique la plus importante aujourd'hui en Argentine est le kirchnerisme - ne pénètre l'esprit de la jeunesse.

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L'Espagne est-elle la patrie commune de tous les Hispano-Américains, ou une simple référence aux origines, aux racines ?

Comment ne pas appeler l'Espagne "Patrie" si - comme l'affirmait le triple président constitutionnel de l'Argentine Juan Domingo Perón - son œuvre civilisatrice est sans équivalent dans l'histoire de l'humanité et constitue un chapelet d'héroïsme, de sacrifices et de renoncements. "L'Espagne a érigé des temples, construit des universités, répandu la culture, éduqué les hommes et fait bien plus encore ; elle a fusionné et confondu son sang avec l'Amérique et marqué ses filles d'un sceau qui les rend, bien que différentes de leur mère par la forme et l'apparence, égales à elle par l'essence et la nature". Cette phrase de Perón dit tout.  Notons que Fidel Castro lui-même, lors de sa visite en Galice en 1992, manifestement ému, dans un élan de sincérité qui jaillissait de son cœur, a déclaré "nous faisons partie de l'âme de l'Espagne". Même le mythique commandant Che Guevara considérait l'Espagne comme notre patrie. La légendaire Evita ne se lassait pas de répéter que nous, les Hispano-Américains, indépendamment de la couleur de notre peau, sommes ".... non seulement les enfants légitimes des conquérants, mais les héritiers directs de leurs actes et de la flamme de l'éternité qu'ils ont portée au-delà des mers" et ce, parce que l'Espagne, dit Eva Perón, "...nous a donné son être et nous a légué sa spiritualité".

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Vous parlez souvent des "Espagnols d'Amérique" et des "Espagnols d'Europe". Cependant, il existe une résistance à cette façon de parler. Selon vous, qui résiste le plus et pourquoi?

Le plus grand triomphe politique des ennemis historiques de l'Espagne et de l'Amérique hispanique- comme l'impérialisme français et l'impérialisme anglo-saxon, dirigé d'abord par l'Angleterre et ensuite par les États-Unis - est que nous, Hispano-Américains, ne nous considérons pas comme des Espagnols et que les Espagnols ne considèrent pas les Vénézuéliens, les Équatoriens ou les Argentins comme de véritables Espagnols. Y a-t-il un Égyptien qui ne se considère pas comme un Arabe ? Y a-t-il un Syrien qui ne se considère pas comme un Arabe ? Y a-t-il un Tunisien qui ne se considère pas comme un Arabe ? Du Maroc à l'Irak, en passant par le Soudan et l'Arabie saoudite, indépendamment de la couleur de la peau et des différentes origines ethniques, tous ceux qui parlent arabe se considèrent comme des Arabes et comme les membres d'une grande nation arabe inachevée, artificiellement divisée en différents États. La réunifier était le rêve politique du dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser et du penseur syrien Michel Aflaq. Alors, pourquoi nous, les Argentins, les Chiliens, les Mexicains... ne nous considérons pas comme espagnols ?  Alors, pourquoi les Espagnols de la péninsule ne considèrent-ils pas les Équatoriens, les Uruguayens et les Colombiens, indépendamment de la couleur de leur peau et de leurs différentes origines ethniques, comme des Espagnols ? Tout simplement parce que nous avons cru l'histoire élaborée par les propagateurs rémunérés de la "légende noire" qui a été la première fake news de l'histoire et le plus brillant travail de marketing politique britannique.  Ensuite, pour avoir cru à cette fausse histoire de la conquête espagnole de l'Amérique, les Américains espagnols ont exécré l'Espagne et les Espagnols ont renié l'Amérique espagnole. Eva Perón a crié aux quatre vents que "la légende noire avec laquelle la Réforme s'est ingéniée à dénigrer la plus grande et la plus noble entreprise connue au cours des siècles, comme la découverte et la conquête, n'était valable que sur le marché des imbéciles ou des intéressés" et le problème est que beaucoup de privilèges et beaucoup d'argent ont été distribués pour que beaucoup de professeurs, d'écrivains et de journalistes intéressés stupéfient beaucoup d'étudiants et de lecteurs.

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J'ai récemment pu consulter le professeur J. Barraycoa, président de Unidad Hispanista, au sujet de la continuité entre les processus indépendantistes américains du XIXe siècle et les séparatismes péninsulaires d'aujourd'hui. Croyez-vous qu'il s'agit du même processus étalé sur tant de décennies, ou simplement d'une analogie ? L'unité des Hispaniques a-t-elle encore des ennemis ?

Par sympathie politique, le "séparatisme catalan" promeut aujourd'hui, en Amérique hispanique, avec l'argent de tous les contribuables espagnols et en comptant sur la sympathie de l'impérialisme international, c'est de l'argent pour le "fondamentalisme indigéniste fragmentant."  Les séparatistes catalans - imprégnés de la haine de l'Espagne - aimeraient, par exemple, que dans la jungle équatorienne toute trace d'espagnol soit perdue, qu'au Pérou, dans la région de Cuzco, l'usage de l'espagnol soit abandonné et que seul le quechua soit parlé, qu'à Puno, l'usage exclusif de l'aymara soit imposé et que l'espagnol soit oublié, que dans le sud du Chili et en Patagonie argentine, les Mapuches soient imposés à feu et à sang et que les hispanophones soient persécutés. Le nationalisme séparatiste catalan et l'indigénisme fondamentaliste balkanisant sont des frères jumeaux, car tous deux partagent une volonté d'effacer tout ce qui est espagnol, servant ainsi les intérêts de ceux qui veulent déconstruire l'Espagne et fragmenter les républiques hispano-américaines.

Il me semble que si en Amérique s'est répandu le mythe indigéniste, qui se languit d'un passé de cannibalisme atroce et de l'impérialisme aztèque et inca le plus cruel, nous subissons ici, dans la Péninsule, quelque chose de semblable avec le mythe d'al-Andalus. Les gens ont la nostalgie de l'empire musulman (de l'émirat, du califat) qui a réduit en esclavage, castré, pratiqué la pédérastie et traité les juifs et les chrétiens comme des êtres de seconde zone... La légende noire que vous analysez dans "Madre Patria" est toujours complétée par des "légendes roses" ?

Les chroniques arabes de la conquête de l'ancienne Mésopotamie nous racontent que le bain de sang causé par les envahisseurs musulmans était si important que l'Euphrate et le Tigre étaient teints en rouge. Pour célébrer la conquête de l'Espagne, les musulmans ont emmené à Damas, par la force, trente mille vierges espagnoles pour les garder comme esclaves sexuelles. Pour comprendre l'ampleur d'un tel enlèvement - en gardant à l'esprit qu'il est fort probable qu'au début du VIIIe siècle, à la veille de l'invasion musulmane, la population de la péninsule ibérique n'atteignait même pas le niveau de la population du début de l'ère romaine - il est nécessaire de souligner que prendre trente mille femmes espagnoles pour les soumettre à l'esclavage sexuel en Syrie équivaudrait aujourd'hui à sortir quatre millions de femmes d'Espagne. Il convient de rappeler qu'ils ont également emporté à Damas vingt-six couronnes d'or provenant de la cathédrale de Tolède et plusieurs jarres remplies à ras bord de perles, de rubis et de topazes.

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D'autre part, en Amérique du Nord, les "pieux protestants anglais", pendant l'un des hivers les plus rigoureux de mémoire d'homme, ont distribué "charitablement" des couvertures infectées par la variole aux Indiens d'Amérique du Nord. Lorsque les Anglais ont commencé la colonisation de l'Australie, ils l'ont déclarée "terra nullius", c'est-à-dire sans habitants humains, malgré le fait qu'ils avaient recensé quelque neuf cent mille aborigènes qui vivaient en Australie depuis environ soixante-dix mille ans. Cela vaut la peine de le répéter car cela semble incroyable : pour l'Angleterre "humanitaire", il n'y avait pas d'êtres humains en Australie. Les Aborigènes australiens étaient, pour les "gentlemen" anglais, des animaux rares comme l'ornithorynque ou le kangourou ; des animaux qui marchaient sur deux jambes et semblaient avoir le don de parler comme des perroquets. Cependant, la seule conquête que le monde critique est la conquête espagnole de l'Amérique. Sans doute la légende noire de la conquête espagnole de l'Amérique est-elle toujours complétée par la légende rose de la conquête arabe de l'Espagne et la légende rose de la conquête anglaise de l'Amérique du Nord et de l'Australie. 

Enfin, comment voyez-vous la situation en Espagne ?

J'ose affirmer, sans tourner autour du pot, que l'Espagne est aujourd'hui en danger de mort. Cependant, la grande majorité des Espagnols sont totalement inconscients de ce danger. La plupart des Espagnols dansent nonchalamment sur le pont du bateau qui coule, ignorant que la Nation a heurté un iceberg. La gauche espagnole actuelle, et non la gauche de Felipe González et d'Alfonso Guerra, est la principale responsable de cette situation car elle a transformé l'Espagne en une nation autruche qui se cache la tête face aux deux grands problèmes qui menacent l'existence même de l'Espagne. D'une part, l'émergence de nationalismes périphériques fous qui, prenant le pouvoir, endoctrinent dans les écoles les enfants dans la haine de l'Espagne et de sa langue commune. Ce fait axial fait que l'Espagne roule, presque inexorablement, vers sa fragmentation territoriale. Ils sèment la haine de la nationalité commune et, sans aucun doute, ils sèment la haine, car ils récolteront des tempêtes. D'autre part, l'Espagne, qui possède une pyramide des âges "funéraire", est en passe de cesser d'être l'Espagne car, comme l'affirme le philosophe Alfonso López Quintas, les nouveaux arrivants se promènent dans les rues de Grenade, Cordoue et Séville en pensant et en disant à voix basse : "...ces villes ont été les nôtres et elles le seront à nouveau". Le monde musulman - comme l'affirme Charles Simond dans sa célèbre introduction au livre d'Armand Kahn, L'Arabie sacrée - ne rêve pas de Ceuta, il rêve de Grenade. L'Espagne, après avoir atteint le bien-être économique tant désiré, séparée de sa "foi fondatrice" et endormie par le relativisme, le consumérisme et l'hédonisme, a reçu un coup de poignard métaphysique mortel. Seul un miracle aujourd'hui pourrait fermer la blessure ouverte et profonde et arrêter l'hémorragie.

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L'histoire peut-elle être "redressée" ?

Seule une "immigration massive" d'hispano-américains pourra sauver l'Espagne, qui, je le répète encore une fois, présente déjà une "pyramide funéraire", celle d'une tragique "fin annoncée" et faire en sorte que l'Espagne continue à être l'Espagne. Mais cela nécessite une profonde réconciliation entre les Espagnols d'Amérique et les Espagnols d'Europe. Pour cela, il faut en finir avec le mythe de la Légende noire, avec la "zoncera" [stupidité] du génocide des peuples indigènes, avec la "zoncera" que Cortés a "conquis" le Mexique alors qu'en réalité, il a libéré la majorité de la population - qui habitait alors le Mexique - de l'impérialisme le plus atroce que l'histoire de l'humanité ait jamais connu: l'impérialisme anthropophage des Aztèques. Au Mexique, il y avait une nation oppressive et des centaines de nations opprimées, auxquelles les Aztèques n'ont pas arraché leurs matières premières - comme l'ont fait tous les impérialismes au cours de l'histoire - mais ils ont arraché leurs enfants, leurs frères... pour les sacrifier dans leurs temples et distribuer ensuite les corps démembrés des victimes dans leurs boucheries, comme s'il s'agissait de porcs, pour servir de nourriture substantielle à la population aztèque.  Le miracle est encore possible si les Espagnols européens comprennent qu'aucun hispano-américain, riche ou pauvre, éduqué ou non, blanc ou indien, n'est un étranger sur les terres d'Isabelle et de Ferdinand. Aujourd'hui, la légende noire, c'est-à-dire la fausse histoire de la conquête espagnole de l'Amérique écrite par les ennemis historiques de l'Espagne et de l'Amérique latine, semble avoir gagné la bataille culturelle, déterminant les consciences, les coutumes et les préjugés. Mais les temps sont mûrs pour le rétablissement de la vérité.

Source :

https://latribunadelpaisvasco.com/art/15224/marcelo-gullo...

 

mercredi, 02 juin 2021

Sur la Guerre du Mexique

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Sur la Guerre du Mexique

par Georges FELTIN-TRACOL

Les Bonaparte n’ont pas de chance avec l’Hispanité. À l’apogée de l’Empire français en 1810, les troupes de Napoléon Ier subissent en Espagne une incessante « petite guerre » fomentée par l’or anglais et les prêches de l’Église catholique. Le foyer espagnol conduit l’empereur des Français à mener la guerre sur, au moins, deux fronts terrestres à partir de l’invasion de la Russie en 1812. Un demi-siècle plus tard, son neveu, Napoléon III, imagine une possible influence française notable en Amérique latine à l’encontre de la « doctrine Monroe ». Énoncée lors d’un discours prononcé devant le Congrès en 1823, ce discours justifie par avance l’hégémonie à venir des États-Unis sur tout le Nouveau Monde. En 1862, la Guerre de Sécession compromet cette vision américanocentrée endogène

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En contact avec quelques exilés cléricaux mexicains qui intriguent aussi auprès de l’impératrice Eugénie, Napoléon III parie sur l’instabilité politique permanente du Mexique pour réaliser « la grande pensée du règne » : établir aux portes des États-Unis une grande puissance catholique, conservatrice et latine capable avec l’Empire du Brésil de Pierre II, soutien de la cause sudiste, d’arrêter les velléités expansionnistes de Washington.

Depuis son indépendance en 1813, le Mexique connaît une succession d’insurrections, de coups d’État, de révolutions et de guerres civiles. Au milieu du XIXe siècle, un féroce conflit oppose les catholiques ultramontains aux libéraux anticléricaux républicains dont la figure de proue est Benito Juarez. Ce désordre politique permanent perturbe les intérêts financiers européens. Des prêteurs français, mais aussi espagnols et anglais, souhaitent être sinon remboursés, pour le moins indemnisés de leurs investissements. Les plus déterminés assaillent de réclamations les gouvernements de Londres et de Madrid ainsi que la Cour impériale aux Tuileries.

Une intervention extérieure d’origine financière

Tablant sur les luttes fratricides qui sévissent de part et d’autre du Rio Grande, Napoléon III voit dans ces demandes de remboursement un excellent prétexte d’intervention. Or, « ce dossier complexe […], Napoléon l’avait géré tout seul, sans enquêteurs, sans collaborateurs, sans informateurs impartiaux qui auraient pour lui permettre de confronter des pointes de vue contraires et, partant, de se livrer à une analyse critique de la situation (p. 419) ». Si la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne s’accordent pour accentuer les pressions sur le gouvernement mexicain, chacun garde ses arrière-pensées et cherche à flouer les deux autres …

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Les trois puissances de l’Europe de l’Ouest interviennent finalement au Mexique au nom d’intérêts économiques et de créances, Espagnols et Britanniques se désengagent toutefois assez vite de ce bourbier et laissent la France seule dans cette aventure militaire risquée. Dans un ouvrage remarquable, Alain Gouttman explique avec brio cette « opération extérieure » qui annule une fois encore le cri du futur empereur pour qui « l’Empire, c’est la paix ! »

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Le Second Empire plonge alors dans un inextricable imbroglio politique. Ne renonçant jamais à sa présidence, Benito Juarez incarne une farouche résistance nationale. Son intransigeance et son succès définitif en 1867 accroissent « son prestige et son statut de personnalité d’exception, austère et légaliste, inspirateur du sentiment national et véritable fondateur de la République mexicaine (p. 425) ». Cela n’évitera pas le Mexique de connaître plus tard d’autres révolutions. Le triomphe des Nordistes en 1865 obère le grand dessein napoléonien. En outre, Napoléon III croit que la population mexicaine souhaite un régime monarchique alors qu’elle aspire à la paix et à la prospérité. S’il soutient les catholiques conservateurs locaux, le souverain français choisit l’archiduc Ferdinand-Maximilien de Habsbourg – Lorraine comme empereur du Mexique. À peine intronisé, le nouveau monarque se détourne des coteries conservatrices et nomme dans son gouvernement des ministres républicains libéraux… Le frère cadet de l’empereur François-Joseph est « un rêveur, un poète, un artiste (p. 97) ». S’il « affiche volontiers un sens élevé de l’honneur, il n’a pas la fibre combative (p. 98) ». Pis, à Vienne, il ne cache pas son adhésion à « des idées politiques et sociales relativement “ avancées ” qui ne pouvaient que l’éloigner de la pesante monarchie autrichienne (p. 98) ». C’est un libéral qui estime que ses adversaires ont toujours raison. Son épouse, Charlotte de Belgique, entend s’investir dans le domaine public et compenser ainsi l’échec de son couple et les infidélités fréquentes de son époux. En 1866, après la défaite autrichienne de Sadowa, Maximilien lorgne clairement sur le trône de son aîné et envisage en vain une éventuelle abdication de ce dernier.

Prenant en grippe la présence militaire française, et en particulier le commandant en chef, le maréchal Bazaine qui agit en proconsul malgré bien des querelles avec les diplomates et les hommes d’affaires français, l’empereur Maximilien n’accepte de nommer un ministère réactionnaire qu’à la fin de son court règne quand les Français commencent à partir du Mexique. Or, les nouveaux dirigeants et leurs partisans se méfient beaucoup de leur souverain qu’ils savent par ailleurs velléitaire.

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Un terrain difficile

L’expédition militaire français au Mexique n’est pas une campagne plaisante. C’est une nouvelle guerre d’Espagne avec son lot d’atrocités, de massacres et d’exécution de prisonniers préalablement torturés. Les affrontements sont brefs et violents. « Le combattant mexicain était sobre, endurant, marcheur et cavalier infatigable, bon tireur et – à l’instar du soldat russe – difficile à déloger de derrière un retranchement (p. 215). » S’y ajoutent des conditions géographiques éprouvantes. Les soldats français découvrent un territoire organisé en trois ensembles topographiques et climatiques distincts. En venant par l’océan Atlantique, on rencontre d’abord les « Terres chaudes ». « C’est la façade tropicale humide du golfe du Mexique, affectée d’un climat extrêmement insalubre, où le vomito negro – la fièvre jaune -, qui règne de façon endémique, se manifeste avec violence pendant la saison des pluies, de mai à octobre. Dans cette région harassante, les indigènes sont seuls à survivre : les Européens y sont condamnés à plus ou moins longue échéance sinon toujours à la mort, du moins à la souffrance et à l’épuisement, quelle que soit la robustesse de leur constitution (p. 87). » Viennent ensuite les « Terres tempérées » qui « offrent […] le climat le plus doux et les lieux de séjour les plus agréables. On y trouve de belles haciendas, environnées de plantations de bananiers, d’orangers, de caféiers. C’est dans cette région que les richesses de la terre mexicaine sont le mieux exploitées (p. 88) ». Il y a enfin les « Terres froides » « avec sapins et chênes sur les pentes, blé, orge, maïs et pommes de terre dans les vallées, on pourrait se croire en Europe (p. 88) ». Au contraire des « Terres chaudes » propices aux épidémies, « Terres tempérées » et « Terres froides » sont plus hospitalières à la présence européenne.

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Dans ces conditions naturelles difficiles, il va de soi que « le type de combattant le mieux fait pour la guerre du Mexique […] était le soldat d’Afrique, le professionnel par excellence, qui arborait souvent sur sa manche les deux ou trois chevrons témoignant de ses quatorze ou vingt et un ans de service. Le régiment était sa famille, le drapeau son horizon. Lui-même était l’héritier du grognard de la Vieille Garde, blanchi, comme lui, sous le harnois. Il était le troupier français dans toute l’acceptation du terme, avec ses défauts mais surtout ses qualités. Au Mexique, si semblable à l’Algérie par la dureté de ses reliefs et de son climat, par la rareté de ses ressources, par la violence qui l’imprégnait tout entier, le soldat d’Afrique – zouave, chasseur d’Afrique, turco, zéphir ou légionnaire – était dans son élément (p. 216) ». Alain Gouttman traduit ces appellations. Surnommés les « Bouchers bleus » pour leur maniement redoutable du sabre et du couteau, les Bédouins et les Kabyles constituent les unités de zouaves hardis au combat. Ils sont en compétition permanente avec les « turcos », les tirailleurs algériens, qui ne font jamais quartier. Considérés comme de la « chair à canon, au sein d’une troupe que le commandement n’hésitait pas à lancer en avant pour s’assurer de la position de l’artillerie ennemie ou apprécier la précision de sa mousqueterie (p. 217) », les « zéphirs » désignent les soldats affectés aux bataillons disciplinaires. Les hauts gradés n’apprécient pas la Légion étrangère, cette « bohème du drapeau (p. 218) » dont les engagés sont des déclassés sociaux, des proscrits ou des aventuriers. Lui aussi chair à canon, le légionnaire joue à la bête de somme. Il obéit, se bat et réalise un travail de forçat. Or, c’est au cours de la guerre du Mexique que la Légion entre dans l’histoire. Un groupe de légionnaires s’illustre à Camerone, le 30 avril 1863. « Là devait naître un mythe, le mythe fondateur de la Légion, la parfaite illustration de son esprit si particulier, fait de sens du devoir, d’obéissance aux chefs et d’esprit de sacrifice perinde ad cadaver (p. 218). »

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Dans les forces expéditionnaires, on trouve aussi les six mille hommes de la « légion autrichienne ». Mise à l’écart des zones de combat, cette troupe forme une garde prétorienne impériale. « Garde d’honneur de l’impératrice (p. 270) », la « légion belge » participe au contraire aux opérations militaires. Pour mieux s’adapter aux contraintes des « Terres chaudes », l’état-major français a enfin recours aux « volontaires civils de la Martinique », à la « Compagnie indigène d’ouvriers du génie de la Guadeloupe » et au « bataillon nègre égyptien » formé « de Noirs originaires de la Haute-Égypte, mis à la disposition de la France par le vice-roi d’Égypte Mohamed Saïd Pacha, et dont la participation aux combats au Mexique constitue un épisode unique de l’histoire de l’armée française (p. 252). » En 1867, « le bataillon nègre égyptien est la dernière unité de l’armée française à quitter le sol du Mexique (p. 263) ».

La première contre-guérilla

Souvent vétérans des campagnes d’Algérie, d’Italie et de Crimée, les soldats français s’adaptent à une « guerre de coups de main et d’embuscades qui serait beaucoup plus tard dans les années 1950 – 1960, celles des commandos de chasse en Algérie (p. 237) ». Face à la guérilla mexicaine, un ingénieur civil suisse, Stoecklin, réunit autour de lui quelques forbans et autres gars violents et commence à pacifier les environs de Vera Cruz. Cette unité officieuse intègre peu après les « Diables rouges » des « Terres chaudes » du Tarnais Charles Louis Du Pin (1814 – 1868). Disposant « d’une large autonomie administrative et n’aura de comptes à rendre qu’au commandant en chef en personne (p. 242) », cette première unité de « contre-guérilla » se divise en deux escadrons de cavalerie. Le premier, les « colorados », rassemble les Français. Le second ne regroupe que des étrangers, en particulier des réfugiés sudistes. Pratiquant la « sale guerre », elle devient « la première unité de l’armée française à devoir, sous la pression de l’opposition parlementaire et de la presse, rendre des comptes sur sa manière d’obéir aux ordres de sa hiérarchie (p. 237) », car entrent ici les effets délétères de l’Empire libéral de Napoléon III. Au Corps législatif, l’opposition républicaine conteste en permanence l’envoi des troupes au Mexique. Ravie du retrait militaire français en 1867, « l’opposition républicaine trouverait un nouveau cheval de bataille dans la responsabilité personnelle dont elle chargerait aussitôt l’empereur (p. 417) ». Elle réprouve les actions de Du Pin. Relevé de ses fonctions et rapatrié, ce dernier laisse le commandement de son unité spéciale, terreur des juaristes et des bandits, à Gaston de Galliffet, le futur général massacreur de la Commune et ministre de la Guerre en 1899 dans le gouvernement de défense républicaine de Pierre Waldeck-Rousseau en pleine affaire Dreyfus.

La campagne du Mexique apparaît à cent cinquante ans de distance familière aux Français dont les troupes ont combattu sans succès une décennie en Afghanistan, et luttent maintenant au Sahel. Certes, ces opérations extérieures permettent l’aguerrissement des soldats, des sous-officiers et des officiers. L’échec du dessein mexicain de Napoléon III incite le Corps législatif à refuser la modernisation de l’outil militaire, ce qui débouchera sur la défaite de 1870 face à la Prusse et à ses alliés allemands. Patriotes seulement quand ils le veulent, les républicains ne feront aucun effort pour sauver un Second Empire pourtant conforté par un plébiscite récent, le 8 mai 1870.

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Contrairement à la « Ripoublique » actuelle, Napoléon III bénéficiait d’une indéniable légitimité. Ce parfait anglophone essaya d’étouffer dans l’œuf les ambitions planétaires anglo-saxonnes qu’il prévoyait. Enfermé aux Tuileries et déjà malade, il demeura incompris. « Si près des États-Unis et si loin de Dieu » selon un dicton, le Mexique garde malgré les tumultes de son histoire politique la vocation métahistorique de combiner pour la partie septentrionale de l’Hémisphère occidental l’héritage spirituel des empires maya, aztèque, habsbourgeois, espagnol et national.

Georges Feltin-Tracol

• Alain Gouttman, La guerre du Mexique (1862 – 1867). Le mirage américain de Napoléon III, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2008, 452 p.

samedi, 08 mai 2021

Interview d’Alberto Buela sur la métapolitique

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Interview d’Alberto Buela sur la métapolitique

Ex: https://www.tradicionviva.es/2021/05/06/una-gran-entrevista-en-la-que-alberto-buela-habla-sobre-metapolitica/

"Les classiques ne sont rien d'autre que des auteurs anciens qui ont des réponses contemporaines."

Nous reproduisons ici une partie de l'entretien que le Professeur Alberto Buela a accordé au journal perfil.com.

Comment expliqueriez-vous la métapolitique à un profane ?

En 1994, nous avons commencé à publier un magazine intitulé Disenso sur papier. À l'époque, il n'y avait pas d'Internet ou, du moins, nous n’en disposions pas. Le magazine m'a permis d'entrer en contact avec de nombreuses personnalités d'Europe et des États-Unis. À un moment donné, un auteur italo-chilien, Primo Siena, m'a envoyé une lettre et m'a dit: « Alberto, ce que tu fais est métapolitique, pourquoi ne lis-tu pas Silvano Panunzio? Un auteur italien qui n'est pas connu ici ». J'ai demandé à un ami de Rome, Aldo La Fata, de m'envoyer un de ses textes. Don Silvano était sur le point de mourir. Je l'ai trouvé intéressant bien qu'il ait une vision quelque peu ésotérique. En philosophie, nous avons l'habitude de réfléchir avec la raison. Nous savons que l'homme, comme le disait José Ortega y Gasset, est une île rationnelle entourée d'une mer d'irrationalités, mais nous devons toujours œuvrer à sauver la rationalité de l'être humain. Si je reste dans l'irrationnel, je fais des horoscopes, je me consacre aux sciences occultes; quelque chose de différent de la philosophie stricte. Je commence donc à l'étudier, je le lis et je découvre d'autres auteurs. Primo Siena m'écrit à nouveau. Je demande à des gens qui font de la science politique, des chercheurs du CONICET (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas)... Rien.

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Puis un philosophe très important en Espagne à la fin du XXe siècle, Gustavo Bueno, m'écrit. Bueno était un philosophe matérialiste issu du parti communiste. Il avait ensuite quitté le PC, bien qu'il soit resté matérialiste jusqu'à sa mort. C'est lui qui m'a dit que j'avais "les conditions idéales pour développer la métapolitique, car la métapolitique n'est rien d'autre que la métaphysique de la politique". J'ai répondu que cela ne me plaisait pas car on peut lier la politique à la métaphysique. La métaphysique parle du nécessaire et la métapolitique parle du contingent parce que la politique est contingente, elle peut se positionner dans un sens ou dans un autre. Le nécessaire ne peut aller que dans un seul sens. Je préfère définir la métapolitique comme les grandes catégories qui conditionnent l'action politique. C'est ainsi que j'ai trouvé un texte de Max Scheler. Il faut toujours aller vers les grands car les classiques ne sont rien d'autre que des auteurs anciens qui ont des réponses contemporaines. Il est difficile de se tromper si l'on se tourne vers Max Scheler. J'ai trouvé une de ses conférences à l'école de guerre allemande en 1927, un an avant sa mort, sur la phase de nivellement. Il y dit: "Espérons que ce cours que je donne pourra à terme remplacer culturellement la classe dirigeante allemande qui est dépassée aujourd’hui" ; il y avait, en effet, à cette époque, toute la décadence de la République de Weimar. Et Scheler ajoutait : "... et que nous pourrons construire une haute politique". C'est là que j'ai découvert le véritable fondement de la métapolitique.

La métapolitique est-elle un progrès par rapport à la théorie politique ?

Il la met en crise, la soumet à la critique. Si on la pratique bien, la métapolitique montre quels sont les présupposés politiques des acteurs, l'idéologie. Nos acteurs politiques, de notre président à l'un des 88 secrétaires d'État, font essentiellement de l'idéologie. L'idée d'étudier la métapolitique est de se confronter aux grandes catégories, telles que l'homogénéisation, la pensée unique, la théorie du genre, entre autres.

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La métapolitique est-elle une simple activité culturelle ou précède-t-elle nécessairement une action politique ultérieure ?

Il existe deux versions. Une version est la version française, qui dit que la métapolitique doit être faite sans politique. Nous, en revanche, nous soutenons que nous devons faire de la métapolitique, mais en cherchant un ancrage dans la politique. Nous avons un besoin impérieux et manifeste de l'étudier, surtout en Argentine. Nous constatons que nous avons un gouvernement progressiste, de gauche, libéral, social-démocrate, dans lequel Bob Dylan a plus d'influence que Perón. Nous devons d'une manière ou d'une autre clarifier ce mélange.

Comment voulez-vous éclaircir la situation ?

Au lieu de parler des droits de l'homme, je parlerais des droits des peuples. Au lieu de parler de privilégier les minorités, je privilégierais les majorités. Comme aujourd'hui aucun gouvernement n'en dispose, ils privilégient les minorités par rapport aux majorités, même s'ils se disent péronistes. Contrairement à ce que le péronisme a toujours fait. "La métapolitique est un ensemble de grandes catégories qui conditionnent l'action politique".

(...)

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Que pensez-vous de l'utilisation de la métapolitique par la nouvelle droite ?

La nouvelle droite se trompe dans son approche de la politique. Elle veut faire de la métapolitique sans politique. C'est comme Gramsci, mais au départ de la droite. Cela n'a aucun sens pour moi de commencer à réfléchir à la manière de modifier les catégories qui conditionnent l'action politique des agents politiques et de ne rien faire pour modifier cela.

Y a-t-il un rapport entre cela et les libertaires actuels qui sont si à la mode en Argentine ?

Les libéraux et les ‘’terra-planistes’’ sont des minorités qui ont poussé comme des champignons partout.

La nouvelle droite ne mène pas d'action politique de parti parce qu'elle considère que les partis politiques ont été dépassés en pouvoir d'initiative par les méga-médias et que c'est là que se trouve le courant de pensée et que la contestation doit être menée?

C'est là une métapolitique sans fin. C'est une métapolitique conforme à l’idéologie des Lumières. La droite, en ce cas, fait une ‘’métapolitique des Lumières’’. C'est philosopher comme Descartes depuis sa chambre: il voit passer un homme avec un parapluie et philosophe depuis sa cloche de verre. Ce n'est pas non plus de la philosophie. On agit comme on pense ou on finit par penser comme on agit.

(..)

Que pensez-vous de ce que vit l'Argentine aujourd'hui et quel conseil ou message pourriez-vous donner aux lecteurs ?

D'abord, un sentiment de tristesse. Je suis né dans un pays où nous étions inclus dans une communauté. J'ai 72 ans aujourd’hui, j'ai été élevé moitié en ville, moitié à la campagne. Je suis né à Parque Patricios mais deux jours plus tard, mes parents m'ont emmené à Magdalena, où toute ma famille se trouvait, donc je suis né là-bas en fait. J'y ai grandi, nous avions l'école, le club Huracán, il y avait la paroisse de San Bartolomé à Chiclana et Boedo. Nous avions de nombreuses organisations qui nous soutenaient; nous étions une famille modeste. J'avais l'habitude d'aller à la piscine de la rue Pepirí, je m'exprimais en tant que nageur. Au club Huracán, je jouais à la pelote ou au fronton, ce qui me plaisait aussi. Dans la paroisse, nous avions l'habitude d'aller dans des camps. A l'école, nous avons étudié. Je suis né dans une communauté. Je suis né dans une polis. Et nous avons produit quelque chose d'extraordinaire: tout comme les Grecs sont passés des tribus à la polis, nus avons suivi la même voie. Voici ce que dit Platon dans le dernier livre des lois: "La différence avec les barbares, c'est que nous avons la polis et qu'ils n'en ont pas. Et nous avons un système de lois qui fait dire à Socrate, lorsqu'il doit échapper à la ciguë: "La loi est ma mère et ma sage-femme". L'Argentine a réalisé un mauvais miracle extraordinaire, en plus d'avoir Lionel Messi et Diego Maradona. Je suis né dans une polis et je vais mourir dans une tribu. Nous avons les tribus des avorteurs, des anti-avorteurs, des ‘’terraplanistas’’, des subventionnés, des mères, des enfants, des cousins, des Indiens. L'idée du peuple en tant que majorité a été brisée. Nous avons fait le contraire des Grecs.

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mercredi, 10 mars 2021

Au Brésil, que pourra faire Lula ?

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Au Brésil, que pourra faire Lula ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Peut-on penser que l'annulation de sa condamnation pour corruption par un juge de la Cour Suprême le 8 mars 2021 permettra à l'ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, dit familièrement Lula de retrouver une activité politique ?

Désormais il pourra se présenter contre l'actuel président Jair Bolsonaro à la présidentielle de 2022. Selon des sondages, il n'est pas exclu qu'il soit élu. Son parti, le Parti des Travailleurs, bien représenté dans les milieux populaires, le poussera certainement dans ce sens.

Lula avait succédé à l'emblématique présidente Dilma Roussef, destituée au prétexte de maquillage des comptes publiques par le Sénat brésilien en août 2016 au terme d'une procédure montée en ce sens par l'opposition. Celle-ci ne lui pardonnait pas d'envisager pour redresser la situation économique de nationaliser les considérables gisements pétroliers et gaziers qui font l'essentiel de la richesse du Brésil.

Lula a déjà passé un an et demi en prison au prétexte de corruption, d'avril 2018 à novembre 2019, avant d'être libéré sur décision collégiale de la Cour suprême. En prison, il n'avait guère été traité mieux qu'un condamné de droit commun. Au moment où il avait été incarcéré, l'ancien chef de l'État était donné favori des sondages pour la présidentielle d'octobre 2018.

Les chances de Lula à la prochaine élection présidentielle paraissent cependant faibles, sans même mentionner son âge, 75 ans. Les mêmes acteurs politiques ayant sans preuves sérieuses accusé l'ancienne présidente Dilma Roussef et lui de corruption pour les chasser du pouvoir ne laisseront pas faire. Ceux qui avaient provoqué son emprisonnement trouveront une raison ou une autre pour continuer à le paralyser politiquement. 

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Il s'agit des couches supérieures de l'électorat qui détiennent toute la richesse financière du pays et refuseront le moindre retour à une politique de partage dcs richesses et à un minimum d'interventionnisme économique présentées par elles comme socialistes, sinon comme communistes.

Mais plus fondamentalement Jair Bolsonaro, l'actuel président, a toujours agi depuis son accession à la présidence comme le bras exécutif des Etats-Unis. Il se rend souvent à Washington ou reçoit avec des égards excessifs l'ambassadeur des Etats-Unis ou des hommes politiques américains très proches du pouvoir. Pour Washington, continuer à contrôler étroitement le Brésil constitue une arme essentielle afin d'empêcher qu'à travers lui, l'essentiel du continent sud-américain ne lui échappe et puisse éventuellement se rapprocher du BRICS. Rappelons qu'initialement le B de BRICS désignait le Brésil à côté de la Russie, de l'Inde de la Chine et de l'Afrique du Sud

Voir
https://www.huffingtonpost.fr/entry/au-bresil-lula-redevient-eligible-a-la-presidentielle-de-2022_fr_6046c2f9c5b6138d0878f8ad

vendredi, 19 février 2021

La pensée de Julius Evola au Brésil

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La pensée de Julius Evola au Brésil

par César Ranquetat Jr

Ex : http://legio-victrix.blogspot.com/

Nous allons essayer de démontrer, dans cet article, la présence de la pensée de Julius Evola en terre brésilienne. À cette fin, nous mentionnerons des articles, des livres, des magazines et des sites où l'on fait référence au penseur italien. Dans un deuxième temps, nous exposerons brièvement la vision que certains groupes "alternatifs" ont de la figure et de l'œuvre de Julius Evola.

Un rapide panorama de la vie intellectuelle au Brésil aujourd'hui

Pas très différent de ce qui se passe dans d'autres pays d'Amérique latine ! On peut observer une hégémonie intellectuelle de la gauche progressiste au Brésil. Une grande partie des universités (dans les domaines des sciences sociales, de l'histoire, de la philosophie, de la littérature), des centres de recherche, des magazines, des journaux, des chaînes de télévision et de radio et des maisons d'édition sont sous le contrôle direct d'"intellectuels" liés à divers courants de pensée classés à gauche. Il y a peu de voix qui s'élèvent, dans ce pays, contre le monopole culturel progressiste. Pour aggraver les choses, le pays a été gouverné par un parti de gauche, le PT (Parti des travailleurs). Il n'y a pas de parti politique "de droite" d'expression nationale dans le pays et pas un seul magazine culturel qui défende des principes intellectuels qui s'opposent au discours de gauche inspiré par Gramsci. Dans ce contexte, les courants de pensée et les intellectuels anti-progressistes n'ont pas leur place et sont pratiquement inconnus. Les étudiants universitaires (qui semblent plutôt être un univers de ‘’pigeons’’) dans le domaine des ‘’sciences humaines’’, connaissent Bourdieu, Foucault, Derrida, Gramsci, Marx, Habermas etc, mais interrogez-les, ainsi que leurs maîtres, pour savoir qui étaient Eric Voegelin, Carl Schmitt, Joseph de Maistre, Marcel de Corte, Oswald Spengler, Ernst Jünger, René Guénon, Frithjof Schuon et d'autres…, et vous n’aurez aucune réponse. Si ces penseurs "conservateurs" sont pratiquement inconnus dans les universités brésiliennes, que dire de Julius Evola, qui fut le critique le plus radical de la modernité, du progressisme et du rationalisme des Lumières.

La présence de Julius Evola dans les livres, les magazines, les journaux et sur Internet

Jusqu'à présent, un seul livre d'Evola a été publié au Brésil : Le Mystère du Graal, publié par la maison d'édition Pensamento en 1986. Cette même maison d'édition a publié deux livres de René Guénon, La Grande Triade et Les symboles de la science sacrée, et de Frithjof Schuon L'ésotérisme comme principe et comme voie. Il convient de mentionner que Le Mystère du Graal avait déjà été publié en langue portugaise par la maison d'édition Vega au Portugal en 1978. Ce même éditeur portugais a publié A Metafísica do Sexo en 1993. Deux autres livres d'Evola ont été publiés au Portugal Revolta contra o mundo moderno en 1989, par la maison d'édition Dom Quixote, dans une collection intitulée Tradition-Bibliothèque d'ésotérisme et d'études traditionnelles et A Tradição hermética chez l’éditeur 70, en 1979. L'édition portugaise de Revolta contra o mundo moderno est suivie d'une brève note sur la vie de Julius Evola et sur l'œuvre de cet auteur au Portugal, par Rafael Gomes Filipe qui déclare : "Un ouvrage d'Antônio Marques Bessa, Ensaio sobre o fim da nossa idade (Edições do Templo, 1978) met en exergue une certaine assimilation de la pensée d'Evola, même si cet auteur est cité en épigraphe. Antônio Quadros, pour sapart, a fréquemment fait référence à des œuvres de Julius Evola, notamment au Portugal dans Razão e Mistério et dans Poesia e Filosofia do Mito Sebastianista  volume 2º [...]".

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En 2000, l'éditeur portugais Hugin a publié une courte biographie d'Evola, écrite par le Français Jean - Paul Lippi qui est l'auteur d'une étude intitulée Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Je fais cette rapide exposition sur les livres d'Evola au Portugal, car de nombreux Brésiliens ont été en contact avec cet auteur par le biais de traductions portugaises.

Il est très probable que la première référence à Julius Evola dans un livre au Brésil ait été faite par Fernando Guedes Galvão, qui était le traducteur et l'introducteur de René Guénon dans notre pays et qui a entretenu une longue correspondance avec Guénon. Guedes Galvão a traduit en 1948 pour la maison d'édition Martins Fontes A crise do mundo moderno. L'édition traduite par Guedes Galvão comporte un intéressant appendice avec une exposition synthétique des principales œuvres de René Guénon. À un certain moment, le traducteur du métaphysicien français traite de la campagne de silence autour de l'œuvre de Guénon et déclare, en citant Evola : "Julius Evola s'exprime ainsi : "Guénon est combattu en France par tous les moyens et de toutes les manières ; on essaie même de faire disparaître ses livres de la circulation".

Il ne fait aucun doute que René Guénon est plus connu que Julius Evola en terre brésilienne. La raison est liée au fait que le métaphysicien français fait montre d’une considération apparemment plus positive envers le catholicisme.

unnamedRGCMM.jpgL'IRGET (Institut René Guénon d'études traditionnelles), fondé en 1984 dans la ville de São Paulo par le journaliste Luiz Pontual, se consacre à l'étude et à l'enseignement de l'œuvre de René Guénon, comme l'indique la page d'accueil de cet institut. Il est intéressant de noter que Luiz Pontual est également un admirateur de l'œuvre d’Evola, reconnaissant son opposition tout aussi radicale au monde moderne. Cependant, sur le site de l'IRGET, Pontual déclare : "D'autre part, les partisans d'Evola nous reprochent de ne pas le mettre à niveau ou de le placer au-dessus de Guénon. À ces derniers, nous faisons référence à Evola lui-même, qui a écrit dans ses livres, plus d'une fois, la fierté d'être un Kshatrya (porteur du pouvoir temporel) et reconnaissait en Guénon le figure d’un Brahmane (détenteur de l’autorité spirituelle). Cela nous dispense de toute autre explication". Le journaliste Luiz Pontual montre qu'il ne connaît pas l'œuvre d'Evola en profondeur, car le penseur italien affirme que, dans les temps primordiaux, à l'âge d'or, il n'y avait pas de séparation entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel. La figure de la royauté sacrée, du roi-prêtre, du pontifex, du divin empereur dans les civilisations traditionnelles, atteste la présence d'une autorité supérieure à la caste des prêtres et à celle des guerriers.

Le journaliste et philosophe Olavo de Carvalho, dans sa page d'accueil, mentionne le livre d'Evola La tradition hermétique comme l'un des grands livres qui formeront sa vision du monde. Olavo de Carvalho est un intellectuel qui a écrit plusieurs articles dans des journaux et des magazines, où il exprime sa révolte contre l'hégémonie intellectuelle de la gauche. Sa pensée a une certaine influence dans certains groupes conservateurs brésiliens. Le livre Jardim das Aflições écrit par Olavo de Carvalho en 2000, fait une référence intéressante à Evola, que nous présentons ici : "Il est intéressant que le conflit de priorité spirituelle entre les castes sacerdotale et royale soit reproduit, à l'échelle discrète qui convient en ce cas précis, entre les deux plus grands écrivains ésotériques du XXe siècle : René Guénon et Julius Evola". Olavo de Carvalho est un érudit spécialiste de Guénon et d'autres auteurs traditionalistes". Dans ce livre, il traite, entre autres, de la relation entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel.

L'Editora Revisão, qui se consacre à la publication de livres révisionnistes sympathiques à l’endroit nazisme, a publié en 1996 un curieux ouvrage intitulé Le lien secret d'Hélio Oliveira. Le livre en question cherche à démontrer quelles sont les forces cachées qui conduisent l'Histoire. La thèse centrale de l'auteur est que, derrière tout, il y a l'action du judaïsme et de la franc-maçonnerie. Vision réductionniste bien sûr, incapable de réaliser que le judaïsme lui-même et la maçonnerie moderne sont les instruments de forces qui leur sont supérieures. Mais ce qui nous intéresse, c'est la citation qu'Hélio Oliveira fait d'Evola, lorsqu'il traite des Protocoles des Sages de Sion ; il déclare : "Certains écrivains juifs se sont exprimés sur la fiabilité du livre. Pour Julius Evola, "Aucun livre au monde n'a fait l'objet d'un boycott aussi important que les Protocoles des Sages de Sion. On peut dire sans effort, que même si elles sont fausses et que leurs auteurs sont des agents provocateurs, elles reflètent en elles des idées typiques de la loi et de l'esprit d'Israël". La citation d'Evola est authentique, mais Helio Oliveira prétend que l'auteur italien est juif... ce qui n'est évidemment pas vrai.

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Olavo de Carvalho.

Il faut souligner ici le livre de l'historien américain Nicolas Clarke, auteur de The Black Sun publié par l’éditeur Madras en 2004 ; ce livre traite des relations entre le nazisme et l'occultisme, ainsi que de l'influence de certains penseurs "damnés" dans la formation de certains groupes néo-nazis et néofascistes. L'auteur consacre un chapitre entier à Julius Evola. Dans ce chapitre, Clarke cherche à synthétiser les principaux aspects de la pensée évolienne. Outre Evola, d'autres chapitres sont consacrés à Savitri Devi, Miguel Serrano et Francis Parker Yockey. La synthèse faite par Clarke est raisonnable, cependant l'auteur insiste sur le caractère païen et anti-chrétien de Julius Evola. Le livre a eu un certain succès auprès de certains groupes néo-païens brésiliens.

L'anthropologue Denise Maldi, aujourd'hui décédée, a écrit un article pour la Revista de Antropologia en 1997. L'article est intitulé – ‘’Des confédérés aux barbares : la représentation de la territorialité et de la frontière indigène aux XVIIIe et XIXe siècles’’. En abordant le concept de nationalité, elle se réfère à Evola, citant un passage de La révolte contre le monde moderne que nous transcrivons ici directement de son article : "Le Moyen-Âge connaissait les nationalités, pas les nationalismes. La nationalité est une donnée naturelle, qui circonscrit un certain nombre de qualités élémentaires communes, de qualités qu'elle maintient à la fois dans la différenciation et dans la participation hiérarchique, auxquelles elles ne sont nullement opposées". À la fin de l'article, l'anthropologue se réfère à nouveau à Evola : "En ce sens, le projet de construction de l'État (l'auteur traite de l'État-nation moderne) impliquait également une antinomie par rapport à la diversité, dans des moules complètement différents du projet colonisateur, dans lequel le naturel a cédé la place à la nationalité et l'ethnie a cédé la place au demos, comme l'a souligné Julius Evola (1989). Cela signifie le dépassement de la diversité au sein de l'idéologie de l'État et l'homogénéisation des différences ethniques en faveur de l'unité juridique et de la citoyenneté". L'anthropologue veut montrer que l'État national moderne est une construction artificielle, anti-naturelle, et que le nationalisme est un produit de la modernité en s'appuyant sur la distinction qu'Evola établit dans Révolte contre le monde moderne entre le principe des nationalités, d'origine médiévale, et le nationalisme moderne.

412o++q43CL._SX195_.jpgLe 14 mai 1995, le journal Folha de São Paulo, l'un des plus grands journaux du pays, a publié un article de l'écrivain italien Umberto Eco. L'article était intitulé "La nébuleuse fasciste". Le célèbre écrivain italien a tenté d'élaborer un ensemble de traits, de caractéristiques, de ce qu'il a appelé "protofascisme ou fascisme éternel". Parmi les traits énumérés par Eco figure le culte de la tradition, le traditionalisme. À ce propos, il déclare : "Il suffit de jeter un coup d'œil aux parrains de n'importe quel mouvement fasciste pour trouver les grands penseurs traditionalistes. La gnose nazie se nourrissait d'éléments traditionalistes, syncrétiques et occultes. La source théorique la plus importante de la nouvelle droite italienne, Julius Evola, a fusionné le Saint Graal et les Protocoles des Sages de Sion, l'alchimie et le Saint Empire romain-germanique". L'opposition d'Eco à la pensée d'Evola est évidente. L'écrivain italien n'a pas connaissance des critiques de Julius Evola sur le fascisme [2] dans des ouvrages tels que Le fascisme vu de droite et Notes sur le Troisième Reich. Dans ces deux livres, Julius Evola démontre les aspects anti-traditionnels du fascisme italien et du national-socialisme allemand, tels que le culte du chef, le populisme, le nationalisme, le racisme biologique, etc. Quant à la Nouvelle Droite italienne, elle ne se nourrit que de quelques aspects de l'œuvre d'Evola. En tout cas, l'article d'Eco, largement lu par l'intelligentsia brésilienne, ne sert qu'à dénigrer l'image d'Evola et à déformer sa pensée.

Plus récemment, le 26 décembre 2003, l'historien de l'UFRJ (Université fédérale de Rio de Janeiro), Francisco Carlos Teixeira da Silva, bien connu dans le milieu universitaire, a publié un petit article dans le Jornal do Brasil, l'un des journaux les plus importants du pays, sous le nom de -Statesman ou ‘’berger des âmes’’. L'article en question a pour but de ternir la figure du pape Pie XII. L'historien soutient que Pie XII était silencieux face à l'Holocauste et était essentiellement un philo-nazi. À la fin de l'article, il déclare : "D'un point de vue purement théologique et philosophique, les fascismes (allemand ou italien, peu importe) sont absolument incompatibles avec le christianisme. La base raciale et le culte de la violence se heurtent inévitablement à la solidarité chrétienne, un fait constamment rappelé par les idéologues du fascisme, tels que Julius Evola ou Alfred Rosenberg, qui considéraient le christianisme comme une religion mise en place par des mendiants, des prostituées et des esclaves". Julius Evola, n'a jamais été un idéologue du fascisme, à aucun moment il n'a fait partie du parti fasciste et de plus, il a écrit plusieurs textes où il s'est clairement opposé à certains aspects du fascisme. En 1930, Evola crée le magazine La Torre, d'orientation clairement traditionaliste. Le magazine n'a eu que cinq mois d'existence et a été interdit sur ordre de certains éléments du gouvernement fasciste qui n'étaient pas d'accord avec les critiques du fascisme formulées dans les pages de La Torre. Deuxièmement, Evola n'a jamais fait référence au christianisme de la manière dont l'historien Francisco Teixeira veut le voir. S'il est vrai qu'Alfred Rosenberg, dans son Mythe du XXe siècle, a radicalement opposé la tradition catholique-chrétienne, l'associant à l'universalisme et au judaïsme, et défendant une nouvelle religion du sang et de la race, Evola ne pensait pas de cette façon. Le baron Evola établit une distinction entre le simple christianisme des origines, qui confortait une spiritualité lunaire et sacerdotale, et le catholicisme. En cela, il a reconnu certains aspects positifs et supérieurs au catholicisme européen. Selon Evola, la tradition catholique romaine aurait subi l'influence des traditions celtique, nordique, germanique, romaine et grecque.

Le point de vue des traditionalistes catholiques brésiliens, des "pérennistes" et l'influence d'Evola dans les milieux occultistes et néo-païens

Evola est peu connu dans les milieux traditionalistes catholiques brésiliens, qui se regroupent dans des organisations telles que l'association culturelle Monfort, dirigée par le professeur Orlando Fidelli, la TFP (Tradition, Famille et Propriété), créée par Plinio Correa de Oliveira, la fraternité Saint Pie X et le groupe ‘’Permanence’’ à Rio de Janeiro qui est dirigé par Dom Lourenço Fleichman. Dans une conversation personnelle que j'ai eue avec le prince Dom Bertrand de Orléans e Bragança, héritier de la famille impériale brésilienne, lié à la TFP, et chef du groupe pro-monarchique qui défend le retour du système monarchique au Brésil, il a déclaré : "Le problème d'Evola est qu'il est occultiste, ésotériste". C'est également l'avis d'Orlando Fedelli, de l'association Monfort, qui va même plus loin en affirmant que le penseur italien est un gnostique. La réalité est que les membres de ces organisations ne connaissent pas la pensée d'Evola, ils n'ont jamais lu un livre ou un article d'Evola. À son tour, tout penseur qui souligne la pertinence d'autres traditions métaphysiques est immédiatement étiqueté par ces groupes comme gnostique, ce qui révèle le sectarisme et l'exclusivisme de ces organisations, incapables de comprendre "l'unité transcendantale des religions".

En ce qui concerne les "pérennistes" brésiliens, ce sont des érudits et des adeptes de la "philosophia perennis", qu'Evola a appelé le Traditionalisme intégral. Formé par des penseurs tels que Guénon, Schuon, Ananda Coomaraswamy, Martin Lings, Titus Burckhardt, ce courant exprime une plus grande sympathie pour Evola. Pour le professeur de philosophie Murilo Cardoso de Castro, qui est chercheur et diffuse les idées de l'école "pérennialiste" au Brésil par le biais d'un excellent site web [3], Julius Evola peut être défini comme un auteur "pérennialiste". Murilo Castro considère le penseur italien, comme un érudit de la "Tradition primordiale", comme un "chercheur de vérité". Sur son site, il met à disposition plusieurs textes sur Evola en italien, espagnol, français et anglais, en indiquant également d'autres sites qui traitent de Julius Evola. Cependant, le principal chercheur sur les auteurs pérennialistes au Brésil et diffuseur de leurs idées, est le journaliste et maître en histoire des religions, Mateus Soares de Azevedo. Il travaille sur base de sa thèse sur Frithjof Schuon et est l’auteur de quelques livres sur le sujet et traducteur de quelques ouvrages de Schuon, ainsi que d'un livre de Martins Lings et d'un autre de Rama Coomaraswamy. Il ne fait aucune référence à Evola. Le journaliste en question n'a jamais mentionné Evola dans ses écrits, ce qui est assez étrange. Il considère Guénon comme le "père" de l'école "pérénnaliste", mais révèle sa plus grande sympathie pour Schuon, considérant ce dernier supérieur au métaphysicien français.

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Prof. Murilo Cardoso de Castro. Ses nombreux articles sont accessibles en pdf via Google.

C'est dans certains groupes occultes, néo-païens et adeptes de l'hitlérisme magique du Chilien Miguel Serrano, que la figure et l'œuvre d'Evola ont suscité un plus grand intérêt. La traduction de l'œuvre de Nicolas Clarke The Black Sun a eu un grand impact auprès de ces groupes, qui sont ainsi entrés en contact avec la pensée d'Evola. D'autre part, certains disciples de Miguel Serrano dans le sud du Brésil ont montré un certain intérêt pour Evola, en raison des nombreuses références que l’écrivain chilien fait au penseur italien. Grâce à l'œuvre de Serrano évoquée par Clarke, ces groupes identifient Julius Evola comme un occultiste, un défenseur du paganisme et un ennemi du christianisme. Cette vision déformée de la pensée évolienne n'a pas contribué à une plus large diffusion d'Evola au Brésil. Les articles d'Evola tels L'equivoco del "nuovo paganesimo" (1936), Hitler e le società secrete (1971) - ainsi que le livre - Masque et visage du spiritualisme contemporain, publié en 2003 par les éditions Heracles, démontrent l'aspect contre-traditionnel des groupes occultistes, néo-païens et spiritualistes qui foisonnent dans la société moderne. Si ces textes étaient lus et étudiés par de tels groupes, l'image d'un Evola occultiste et néo-païen serait brisée. La vérité est que peu de "néo-païens" connaissent les principales œuvres d'Evola.

En conclusion, on peut dire que la pensée d'Evola est très peu connue au Brésil. Le seul ouvrage publié au Brésil par ce penseur Le Mystère du Graal est désormais hors de circulation. L'intelligentsia brésilienne ignore le travail d'Evola. Le contact avec la pensée d'Evola se fait par l'effort individuel de quelques-uns qui perçoivent dans le maître italien et dans son œuvre monumentale un ensemble d'orientations fondamentales pour qu'un type humain différencié – celui de l'homme traditionnel - puisse continuer à se tenir debout devant les ruines de cette civilisation décadente.

Notes :

(1) http://www.reneguenon.net/oinstitutoindex.html

(2) Voir -Más allá del fascismo, ediciones heracles-, 2e édition, 2006, avec introduction du professeur Marcos Ghio du Centro de Estudios Evolianos de Argentina

(3) www.sophia.bem-vindo.net

mercredi, 20 janvier 2021

Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

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Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

Par Raphael Machado, dirigeant de « Nôva Resistencia » (Brésil)

Ex: https://therevolutionaryconservative.com

Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est la distinction ami-ennemi. Nous trouvons également, chez Schmitt, une opposition fondamentale dans la géopolitique. En l'occurrence, l'opposition Terre-Mer, à laquelle Schmitt lui-même a consacré d'innombrables pages, mais dont la première formulation se perd dans le brouillard de l'histoire. Cicéron déjà, dans son De Re Publica, fustigeait les thalassocraties de Carthage et de Corinthe pour leur propension à la décadence, associée à une nature "aquatique" selon lui qui s'exprimait concrètement dans leurs stratégies respectives d'expansion coloniale, alors qu'il tenait en haute estime la vertu de la majorité des peuples enracinés dans la terre.

Il pourrait sembler qu'il s'agisse ici d'un sujet extrêmement métaphysique, voire d'un délire symbolique, mais la question de l'opposition terre-mer est si classique qu'elle devient universelle chez les penseurs géopolitiques, indépendamment de leurs orientations idéologiques. En fait, il a été possible de trouver une réciprocité entre les différentes formes d'expressions classiques du pouvoir (terrestre - aquatique) et une sorte de caractère ou de psyché des peuples.

En résumé, les civilisations de la Terre, généralement caractérisées par la présence d'une capitale et de provinces dans les terres voisines, seraient délimitées, en même temps, par un plus grand sens de la continuité, des frontières et des distinctions claires, par une plus grande propension à l'ascétisme et à la guerre ouverte. Les civilisations de la mer, pour la plupart, généralement organisées dans le cadre des relations entre métropole et colonies étrangères, seraient propices à l'indifférenciation, avec une relativisation des concepts et des frontières, avec une tendance psychologique à l'individualisme, à l'utilitarisme et au commerce.

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Ce dualisme évident pourrait avoir des résonances intéressantes et pourrait aussi exprimer avec clarté notre perception des inimitiés historiques telles celles de Rome et de Carthage, de Sparte et d’Athènes, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne ou des États-Unis et de la Russie. Cependant,  nous sommes également confrontés à des exemples historiques plus complexes, plus prompts à générer de la confusion, exemples que sont le Portugal et l'Espagne, qui devraient nous intéresser grandement en tant qu'Ibéro-Américains.

Après tout, les États ibériques ont effectivement construit de grands empires coloniaux à l'étranger, organisés selon la logique des relations entre les métropoles qui commandent et les colonies dont on extrait des biens matériels. Alors, ces puissances ibériques étaient-elles des empires thalassocratiques ? Le Portugal et l'Espagne sont-ils liés par la symbolique de la mer ? Le problème est que, d'un point de vue spirituel, psychologique ou sociologique, ce qui signifie que, dans le contexte de l'examen de l'âme d'un peuple, il semble évident que le Portugal et l'Espagne sont liés par la symbolique de la Terre, ils étaient des empires tellurocratiques. Comment résoudre cette contradiction qui implique les patries ibéro-américaines ?

Le professeur André Martin, dont les analyses sont très pertinentes, affirme que le Brésil a une nature "amphibie", c'est-à-dire qu'il est délimité par un mélange entre terre et mer, et que cela devrait déterminer sa géopolitique. Avec tout le respect que je lui dois, nous osons ne pas être d'accord avec cette vision du Brésil. Cela nous semble être une tentative d'échapper à la contradiction fondamentale au lieu d'essayer de la résoudre. En fait, le Brésil a des éléments liés à ces deux symbolismes, mais cela est vrai pour tous les autres peuples, surtout aujourd'hui.

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L'élite brésilienne, concentrée sur la côte, incarne les valeurs commerciales et cosmopolites de la mer. Alors que les masses brésiliennes, qui vivent à l'intérieur des terres, incarnent les valeurs conservatrices et enracinées de la Terre. Ce choc, dans lequel les intérêts conservateurs et collectifs d'une masse populaire font face aux intérêts libéraux et individualistes d'une élite cosmopolite, explique en grande partie les phénomènes et les événements politiques au Brésil.

Quelle est l'importance de tout cela ? Si, en dépit de leurs élites, la nature du Brésil est tellurocratique, alors sa géopolitique doit être orientée vers l'autarcie continentale, vers la rencontre civilisationnelle avec ses voisins, et non par la recherche de partenaires commerciaux à l'étranger.

Le Brésil, qui s'est éloigné de nos frères ibéro-américains et s'est rapproché de l'Atlantique, doit retrouver son chemin.

Source :

MACHADO, Raphaël. "Columna de Opinión Internacional (Brasil) del 15.07.2020". Diario La Verdad. Lima, Pérou.

Disponible à l'adresse suivante :

https://comitecentralameri.wixsite.com/ccla/post/la-geopolítica-brasileña-entre-tierra-y-mar

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vendredi, 08 janvier 2021

Le péronisme dans l'Argentine d'aujourd'hui

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Le péronisme dans l'Argentine d'aujourd'hui

Par Esteban Montenegro, Président de NOMOS (Argentine)

Traduit par Zero Schizo

Au-delà de la gauche et de la droite, le péronisme a été caractérisé par le fait d'élever les intérêts du mouvement ouvrier au rang de "cause nationale" devant tous les secteurs concentrés de l'économie ou, du moins, de les équilibrer les uns par rapport aux autres. Ce pourrait être sa définition idéologique. Mais elle serait trop abstraite, si l'on ne tenait pas compte de ses caractéristiques organisationnelles. La proximité de ses organisations avec le peuple et sa grande force de mobilisation en font une clé indispensable à la gouvernabilité du pays. Cette accumulation de pouvoir, ajoutée à une culture politique "décisionnelle", où "celui qui gagne mène et le reste se borne à suivre", a fait que les disputes internes du péronisme et les caractéristiques de son leadership, qui en résulte, décident du sort de la nation. Cela conduit parfois à des paradoxes insurmontables. Par exemple, le néolibéralisme en Argentine a été mis en œuvre avec un succès relatif par la décision d'un dirigeant "péroniste" : Carlos Menem. Et c'est ainsi que l'essence pratique du péronisme réellement existant (la relation personnelle Leader-Peuple à travers quelques organisations intermédiaires libres, mais qui répondent politiquement au principe de ‘’conduction’’) s'est rebellée contre les définitions idéologiques "minimales" qui lui ont donné son existence dans le passé.

Plus récemment, les dirigeants Nestor et Cristina Kirchner ont donné au péronisme une "ressemblance de famille" avec les gouvernements "populistes" de Lula et Chávez. Cela a engendré, en contrepoint, un péronisme plus ou moins opposé et modéré, plus proche de l'économie et de l'établissement médiatique, avec de bonnes relations avec les États-Unis. À l'intérieur, un "kirchnerisme dur" est né à travers de nouvelles organisations, de nature plus juvénile, articulant une synthèse complexe entre des secteurs sociaux-démocrates éclairés, peu ou pas ancrés dans la mouvance péroniste et imaginaire, et des secteurs péronistes "classiques" et "doctrinaires", d'extraction et d'intensité différentes.

Le succès électoral d'un parti libéral pro-marché comme le PRO de Mauricio Macri en 2015 et 2017 s'explique par les erreurs de Kirchner en matière de sécurité publique et de communication politique ; ensuite, par la difficulté du péronisme, dans toute son ampleurs et dans toutes ses facettes, à trouver une voie qui le conduirait à l'unité, non seulement entre ses factions mais, plus encore, entre sa "cause matérielle" pratique et sa "cause formelle" idéologique. Cette dernière engendre la première, car l'efficacité organisationnelle du péronisme n'ira pas loin sans représenter les intérêts de la majorité de ses bases.

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En décembre dernier, un nouveau gouvernement péroniste a gagné les élections en Argentine. La personnalité qui a obtenu le plus de voix, mais dont l’image est très négative à cause de sa gestion politique antérieure, est Cristina Kirchner. Elle a introduit sur la scène un péroniste "centriste" pour tenter de faire l'unité, un ex-Kirchneriste mais opposé à la politique du dernier gouvernement Kirchner, trop souvent remis en cause par l'établissement : Alberto Fernández. Qu'on le veuille ou non, on ne peut pas juger Fernandez pour son "éclectisme idéologique", car il est obligé de trouver des compromis entre les différentes factions de son gouvernement, manquant de bases propres et, sur le front extérieur, il devra renégocier le paiement de la dette. Enfin, le président ne sera pas jugé sur ses discours, mais sur ses décisions. Étant donné la crise économique héritée du passé, aggravée par le Covid-19, il devra devenir un leader innovateur, décidé à prendre des mesures drastiques qui conduiront à l'unité de tous les Argentins, tout en visant l'unité du péronisme. Cela ne peut être obtenu qu'en sacrifiant les profits extraordinaires de l'économie extractive et spéculative. Ce n'est peut-être pas ce qui convient le mieux à son style conciliant. Mais ni la classe moyenne ni les secteurs populaires n'ont encore suffisamment de marge de manœuvre pour s'adapter davantage à la situation précarisée. Et ajouter à la crise sanitaire, économique et sociale, une crise politique de la représentation dans le parti populaire majoritaire, serait ouvrir la boîte de Pandore au pire moment possible.

Source :

MONTENEGRO, Esteban. "Columna de Opinión Internacional (Argentina) del 04.06.2020". Diario La Verdad. Lima, Pérou.

Disponible à l'adresse suivante :

https://comitecentralameri.wixsite.com/ccla/post/el-peronismo-en-la-argentina-de-hoy

lundi, 28 décembre 2020

Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

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Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

Par Cristián Barros

Ex : https://www.geopolitica.ru

Pour une grande partie de l'opinion académique et libérale, le populisme est un terme aussi vague que péjoratif. Le populisme est grégaire, moraliste, clientéliste, charismatique, cathartique et irrationnel, et il poursuit un programme économique de redistribution à court terme, purement conjoncturel. En tant que mouvement, il est nostalgique de la petite propriété et abhorre à la fois la centralisation bureaucratique et la division du travail. Sa base démographique tend à être constituée de groupes prémodernes tels que la paysannerie et les artisans - ou encore le Lumpenproletariat. Très souvent, le populisme est considéré comme le terreau de courants politiques autoritaires. Ainsi énoncé, le stigmate peut facilement devenir un anathème : le populisme représente finalement l'avatar inconscient du fascisme.

Ce n’est pas étonnant car le populisme constitue une étiquette hétérogène voire hétéroclite, parce qu’elle désigne des phénomènes très différents, et dont la fonction taxonomique est de prolonger un cordon sanitaire autour d'une entité suspecte et rebelle. Cependant, la construction rhétorique du populisme par l'orthodoxie académique trahit les craintes mêmes des citadins libéraux et des universitaires du courant dominant, qui regardent avec méfiance l'émergence de la politique sans médiation, de l'action directe et de la démocratie plébiscitaire. En conséquence, le populisme et les intellectuels ont toujours semblé en désaccord, puisque le populisme proclame la futilité - voire la perniciosité - d'une classe cléricale.

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Néanmoins, le populisme est en soi une tradition intellectuelle respectable, dont les partisans ont engagé dès le début un dialogue controversé avec le rationalisme politique dans ses versions libérales et marxistes - et ont résolument influencé le second ! Certes, les Narodniki russes de la fin du XIXe siècle ont été les pionniers du populisme et du socialisme agraire, et les premiers à élaborer une critique solide des téléologies libérales et marxistes, défiant l'idée de progrès dans ses formes tant linéaires que dialectiques.

220px-Voroncov,_Vasilij_Pavlovich.jpgLe populisme russe a scandalisé la rationalité bourgeoise car il visait à suspendre les travaux du capital et à rétrograder l'économie vers l'agriculture et le pastoralisme communaux. En ce sens, le populisme était non-téléologique et non-universaliste, soulignant le caractère exceptionnel du développement périphérique russe. Néanmoins, le rejet de la modernité capitaliste par les populistes était loin d'être une utopie romantique négative. Vassily Vorontsov (photo), un économiste populiste, considérait la Russie, une nation modernisatrice tardive, incapable de rattraper les pays capitalistes matures, compte tenu de l'accès restreint de la Russie aux marchés et technologies internationaux. En effet, le populisme avait une vision plus vive, plus sophistiquée et moins mécanique des « relations cœur-périphérie » que le marxisme vulgaire. Il est intéressant de noter que les auteurs narodniki ont exploré les contextes de dépendance du capitalisme mondial, et ont ainsi anticipé la théorie du développement inégal et combiné -notion attribuée à tort à Trotsky.

220px-Ткачёв_Пётр_Никитич.jpgIl est vrai que le marxisme canonique n'avait même pas de théorie de l'impérialisme, que Lénine a improvisée après avoir bricolé avec les thèses sur l'impérialisme formulées par Hobson, sans les connotations antisémites. Marx lui-même a atténué sa vision naïvement progressiste et whiggish du capitalisme grâce aux études de Kovalevsky sur l'obschina et la question agraire (1879). Le populiste Tkachev (photo) a également influencé Lénine sur les questions tactiques. De plus, Podolinsky a fait progresser les calculs énergétiques et écologiques, afin d'affiner l'analyse métabolique du capitalisme. Après l'Octobre rouge, le sociologue agrarien Tchaïanov a conçu un modèle rigoureux d'économie domestique paysanne. Pendant ce temps, Kondratieff - membre du Parti social révolutionnaire, une version du populisme parlementaire - a tracé les cycles à long terme de l'expansion technologique et financière depuis les années 1750, sans nul doute une oeuvre géniale.

II

Vers les années 1900, l'Amérique latine ressemblait à la Russie sous plusieurs aspects. Les deux régions languissaient dans un retard relatif, l'inertie étant par intermittence dynamisée par les aubaines que pouvaient constituer les exportations ponctuelles de matières premières. Bien que l'autocratie éclairée soit une caractéristique particulière de la Russie (et aussi du Brésil jusqu'en 1889), le reste de l'Amérique latine abondait en républiques peu représentatives, de style Potemkine, dominées par des cliques mercantiles. Sur le plan démographique, les paysans et les anciens serfs peuplaient les vastes espaces des deux blocs continentaux, tandis que l'analphabétisme et l'urbanisation chaotique ont donné naissance à une intelligentsia déracinée et inorganique.

Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alexandre_Herzen.jpgLa bohème russe et les rastaquouères sud-américains se sont retrouvés au carrefour que fut Paris à la Belle Époque, ressentant leur propre étrangeté aux portes de la culture métropolitaine. D'où un sentiment commun d'aliénation. D'où aussi la ruée vers la refonte et la mise à jour de leurs propres sociétés. Mais était-ce possible ? Était-ce même souhaitable ? Le zèle des Russes et des Latino-Américains pour l'aggiornamento s'est très vite éteint et s'est transformé en frustration. Le progrès matériel semblait être un horizon toujours plus lointain et, s'il était enfin réalisable, ses sombres conséquences décourageaient l'émulation. Telle était, par exemple, l'attitude de Herzen (photo) après de longs séjours à l'Ouest - Herzen lui-même un libéral repenti qui devint le doyen et le mentor du narodnischestvo. Les provinciaux hésitaient à adhérer pleinement au projet de modernité universelle et à sa fugue vers l'avenir.

Parallèlement, la réponse latino-américaine à l'Angst (l’angoisse) moderne fut l'Arielismo, la poétisation du retard économique en tant que forteresse contre l'industrialisme et le pragmatisme anglo-saxons. Ariel était l'esprit de légèreté qui s'opposait au génie terrestre Caliban, les personnages antagonistes de Shakespeare dans le cadre épique de La Tempête. Ariel incarnait la plupart des vertus prétendument latines de l'honneur et de la religion, tandis que Caliban était un daimon tellurique dont le déchaînement précipiterait le monde dans le matérialisme de base. Il est clair que ce discours n'était qu'une consolation esthétique, bien qu'il révèle un certain complexe d'infériorité. Jusqu'à présent, l'arielismo était un thème agréable et inoffensif pour les conversations d'après-dîner sous les régimes libéraux oligarchiques. Ce n'est que dans les années 1910, en particulier avec le déclenchement de la révolution mexicaine, que l'opinion publique a connu un changement radical. Les masses rurales ont commencé à se révolter.

III

Ironiquement, celui qui est souvent reconnu comme le premier marxiste d'Amérique latine est en réalité son premier populiste théorique. L'écrivain et activiste Juan Carlos Mariátegui est l'auteur des Sept thèses interprétatives sur la réalité péruvienne (1928), essai qui revendique la prééminence des contextes locaux et nationaux sur la pensée sociale eurocentrique appliquée passivement. Il a critiqué le positivisme formulé de la Seconde Internationale, ainsi que le scolastique soviétique naissante. Il a plaidé pour une interprétation contextuelle, organique et in situ des réalités sociales, en évitant le doctrinarisme abstrait.

imagesmariat.jpgEn même temps, il assimile les thèmes volontaristes précédemment posés par le syndicaliste révolutionnaire Georges Sorel, notamment la grève générale, d'où découle un nouvel élan mythique pour les luttes populaires. Pendant son exil en Italie dans les années 20, Mariátegui a été témoin du double processus, que fut la montée du communisme et du fascisme, héritier de la décomposition de la social-démocratie révisionniste. Ce phénomène qui l'a intrigué. À ce titre, il a adopté un point de vue indigéniste concernant la population autochtone du Pérou, une approche qui rappelle le vieux populisme. Bien qu'il soit un socialiste engagé, Mariátegui a subtilement nuancé le protagonisme du prolétariat moderne. Rétrospectivement, le volontarisme et l'indigénisme - sans parler de l'analyse de la dépendance coloniale - peuvent rapprocher Mariátegui de la matrice populiste plutôt que du marxisme officiel.

portada.jpgEn fait, l'indigénisme reste un élément fort du populisme latino-américain, en particulier au Mexique et dans les pays andins. Sa principale éclosion s'est produite dans le sillage de la révolution mexicaine, qui s'est cristallisée dans une législation corporatiste protégeant les propriétés foncières collectives indiennes (ejidos) et donc l'agriculture de subsistance. Quoi qu'il en soit, l'institutionnalisation complète de la révolution mexicaine n'a eu lieu que sous le gouvernement de Lázaro Cárdenas (1934-1940), connu pour sa nationalisation du pétrole et l'approfondissement de la réforme agraire. La figure clé de toute cette période est José Vasconcelos, éducateur, polymathe éclectique et apologiste de la synthèse culturelle et raciale du peuple mexicain.

L'essai de Vasconcelos intitulé La race cosmique (1925) présente un rare mélange de darwinisme social optimiste et de messianisme laïc. Pour le dire avec humour, Vasconcelos est une sorte de Spengler à l'envers, puisque l'auteur mexicain exalte le métissage et postule un avenir extatique en perspective, où toutes les différences humaines pourraient trouver une réconciliation finale. De manière inattendue, sa réputation d'humaniste a subi un sérieux revers après avoir soutenu les puissances de l'Axe. Il admire les expériences fascistes pour leur élan mobilisateur lors des turbulentes vicissitudes, une situation qui ressemble alors à un scénario mexicain. Bien qu'antiraciste accompli, Vasconcelos professait toujours un patriotisme métaphysique pittoresque - d'où la tension entre son universalisme et son nativisme. Tout au long de sa carrière, Vasconcelos a été un détracteur acharné des puissances atlantiques. 

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Vivant sur les rives du Pacifique, Víctor Raúl Haya de la Torre a été une figure importante au Pérou et au Mexique, où il a trouvé refuge après avoir été expulsé de son propre pays pour des raisons politiques. Né au Pérou en 1895, Haya de la Torre a fondé peut-être le seul parti national d'Amérique latine avec de véritables projections continentales. Il est à l'origine, en 1924, de l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), un mouvement formellement social-démocrate avec de forts tropismes populistes, qui a fini par dégénérer en démagogie, en corruption parlementaire et en clientélisme rampant. Malgré cela, les débuts de l'APRA étaient prometteurs. L'APRA a inspiré la formation du Parti socialiste du Chili en 1933, qui a adhéré à un programme anti-impérialiste et anti-oligarchique, n'accordant qu'un intérêt de pure forme aux orthodoxies figées des marxistes. À cette époque, des purges internes ont eu lieu parce que les rivalités entre staliniens et trotskystes entravaient l'action politique des partis communistes locaux, laissant un vide bientôt comblé par ce nouveau socialisme populiste.

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IV

Selon la sagesse populaire, Lázaro Cárdenas au Mexique, Gétulio Vargas au Brésil et José Domingo Perón en Argentine ont incarné les aventures du populisme à travers le continent. Le péronisme est probablement le cas le plus étudié des trois, étant aussi le plus dramatique et le plus important dans la modélisation du système politique argentin jusqu'à présent. Caméléonesque et mercuriel, le péronisme a recueilli en son sein un éventail disparate de tendances : Intégrisme maurrassien, syndicalisme, fascisme, coopérativisme et même trotskysme. Bien que la position pro-travailliste soit apparue très tôt à l'époque de Perón, la ferveur anti-impérialiste s'est réellement enflammée après la révolution cubaine (1959), épisode qui a déclenché l'émergence de guérillas urbaines pendant l'exil de Perón dans l'Espagne franquiste. À l'origine, l'archétype évident du péronisme était le fascisme italien, dont le général argentin a copié à la fois la politique et le style. Logiquement, la législation sociale a suscité le soutien véhément de la classe ouvrière, en particulier des travailleurs de l'arrière-pays métis, les cabecitas negras – les "petites têtes noires", une comparaison ornithologique plutôt que raciste.

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Curieusement, un groupe d'anciens intellectuels sociaux-libéraux désenchantés a préparé la voie au péronisme en tant qu'idéologie. Ils ont formé un conclave d'historiens révisionnistes, qui ont jugé de façon critique les truismes libéraux sur le passé républicain de l'Argentine, lui-même marqué par la dépendance coloniale envers la Grande-Bretagne - ainsi, l'avènement de la modernité pour l'Argentine n'a pas été une libération politique mais simplement un asservissement impérial. Le nom du groupe, FORJA (forge, creuset), était censé transmettre un sentiment de rectification virile par l'effort et l'endurance, et proposait une renaissance industrielle. FORJA a officiellement duré une décennie entière (1935-1945), bien que ses échos prosélytes résonnent encore aujourd'hui. Ses membres les plus prolifiques furent Arturo Jauretche et Raúl Scalabrini Ortiz, propagandistes zélés d'un évangile nationaliste de gauche.

Gaffeurpatenté d'origine basque et rustique, Jauretche dénonce le système de la Banque centrale et l'entrée de l'Argentine au FMI (Plan Prebisch, 1956) comme des mécanismes de dépendance mis en place par l'impérialisme atlantique. Il s'aligne avec conviction sur Perón, dont la première administration (1946-1955) a réussi à isoler l'Argentine des exigences de la finance internationale. De même, Jauretche a été une figure importante du révisionnisme historique latino-américain, contrevenant ainsi aux mythes conventionnels du dogme libéral depuis l'indépendance (1810). Il a anticipé la plupart des résultats de la théorie des dépendances, bien qu'il les ait exprimés avec un flair journalistique tout personnel et intellectuellement instable. Dans l'ensemble, il était l'économiste du pauvre, occupant le poste de directeur de banque au début du péronisme. Jauretche lui-même a eu un certain impact sur le jeune Ernesto Laclau, le père de ce dernier étant en bons termes avec Jauretche - On Populist Reason (2005), livre de Laclau a récemment renouvelé les études sur notre sujet, celui de la redoute post-marxiste.

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Rétrospectivement, on peut affirmer que 1910, 1929 et 1959 ont marqué les itinéraires axiaux du populisme pour l'Amérique latine. La révolution mexicaine a fourni les thèmes agraires et indigénistes, tandis que le crash de Wall Street a bouleversé les économies latino-américaines orientées vers l'exportation, provoquant des réactions protectionnistes et développementales d'un hémisphère en ruines. Trois décennies plus tard, la Révolution cubaine a électrisé les nouvelles générations et a poussé le nationalisme plébéien dans une position ouvertement anti-impérialiste. Soit dit en passant, le virage à gauche de l'Église catholique a fait apparaître un autre moment intéressant pour l'effervescence populiste. Cette évolution a été incarnée avec éloquence par les conférences épiscopales de Medellín (1968) et de Puebla (1979). En conséquence, la Théologie de la Libération a revigoré les traditions missionnaires de la Contre-Réforme et a catalysé une vague de communautés paysannes militantes, notamment au Nicaragua et au Brésil, où le Sandinisme et le MST (« Mouvement des Sans Terre ») sont actuellement des acteurs majeurs sur la scène politique.

mardi, 04 février 2020

Pérou, élections législatives: victoire d'une secte biblique et prophétique !

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Pérou, élections législatives: victoire d'une secte biblique et prophétique !

Le Frepap, bras politique d’une secte religieuse qui prône le retour aux valeurs de la Bible, devient, avec seize députés, le deuxième parti du pays.

frepap.jpgLes personnes de la communauté LGBTI ont «le mal enkysté dans le cœur et dans le sang, mais ils vont avoir une chance de découvrir le décalogue universel des commandements, et par cet intermédiaire entrer dans la moralisation, pour plus tard devenir des gens de bien». Ces propos délirants ne sont ni nouveaux ni surprenants de la part d’un pasteur évangélique en Amérique latine. Ils sont plus inquiétants quand ils sortent de la bouche d’un responsable dont le parti a fait une entrée fracassante dimanche à l’Assemblée nationale du Pérou, devenant avec près de 9% des voix et seize élus la deuxième force politique du pays.

La diatribe a été tenue devant les caméras par Wilmer Cayllahua, qui, avec sa longue tunique et sa barbe de prophète, a multiplié les apparitions médiatiques pendant la campagne électorale. Son parti, le Front populaire agricole du Pérou (Frepap, ou «Agro» pour ses partisans), s’intéresse moins au monde rural qu’au règne des cieux : c’est le bras séculier d’une secte née dans les Andes, l’Association évangélique de la mission israélite du nouveau pacte universel (Aeminpu).

Pour les «israélites», comme on les appelle couramment, le Pérou est la terre promise et ses habitants, le nouveau peuple élu. Ils s’habillent de longues tuniques, les femmes ont la tête couverte et les hommes ne se rasent pas. Le fondateur et messie, Ezequiel Ataucusi, cordonnier et père de sept enfants, eut une révélation en 1968 : emmené «au troisième ciel», selon ses dires, il se proclame la réincarnation du prophète Ezéchiel. Sa doctrine mélange allègrement une lecture littérale de l’Ancien Testament avec les mythes incaïques, la langue de la grande majorité des fidèles étant le quechua. Le moment fort du calendrier de la secte est la célébration de «l’holocauste», le sacrifice d’un bœuf qui brûle sept jours durant.

Programme ultraconservateur axé sur la moralisation

artworks-000073318053-vvmjhf-t500x500.jpgEn 1989, Ezequiel Ataucusi fonde le Frepap et se présente, l’année suivante, à l’élection présidentielle, expérience qu’il renouvelle en 1995 et 2000, sans jamais dépasser 1% des voix. Le parti «agro» parvient à faire élire quelques députés au fil des années 90, qui rejoignent rapidement (et probablement contre rémunération) des formations moins farfelues.

A sa mort en 2000, à 82 ans, son fils qui porte les mêmes nom et prénom lui succède et garde le cap fixé par son père : une activité spirituelle combinée à une ambition électorale. Dans un contexte de défiance vis-à-vis du monde politique, après des scandales de corruption et des poursuites judiciaires contre presque tous les anciens présidents du pays, le Frepap parvient à imposer son symbole, un petit poisson bleu, et à faire entendre son programme ultraconservateur axé sur la moralisation.

Pour tenter d’éteindre la polémique suscitée par les saillies homophobes de Wilmer Cayllahua, le président du parti, Ezequiel Ataucusi fils, a rappelé que son mouvement respecterait la Constitution et la vie privée des citoyens, en ajoutant : «Notre église compte trois homosexuels. Repentants, bien entendu !»

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A noter que ce que Libération n’indique pas dans l’article que nous reproduisons ici (https://www.liberation.fr/planete/2020/02/01/les-homophob... ), c’est que grand apôtre de la vertu, la secte « évangélique » a depuis son implantation en Amazonie fait main basse sur le trafic de cocaïne péruvien. ( https://www.ulyces.co/lali-houghton/cette-secte-peruvienn...).

mardi, 10 septembre 2019

Pour saluer la mémoire d’un Argentin exemplaire

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Pour saluer la mémoire d’un Argentin exemplaire

par Georges FELTIN-TRACOL

Chers Amis dEurope Maxima,

Il y a dix ans, le 2 septembre 2009, décédait à l’âge de 75 ans d’une crise cardiaque à Buenos Aires Mohamed Ali Seineldin. Si cette personnalité reste méconnue en Europe hors des cercles hispanophones, il a pourtant été un remarquable activiste nationaliste argentin.

le 12 novembre 1933 à Concepción del Uruguay dans la province d’Entre Ríos, Mohamed Ali Seineldin vient d’une famille druze d’origine libanaise. Ayant grandi sous la décennie péroniste, il s’engage dans l’armée et se convertit au catholicisme de tradition. Seineldin signifiant en arabe « Protecteur de la foi », il rendra toute sa vie un culte particulier à la Vierge Marie tout en conservant ses prénoms musulmans par respect pour ses parents.

Officier commando d’infanterie, il participe à la tentative de reconquête des Malouines occupées par la perfide Albion en 1983. Malgré la défaite, il garde le respect de ses hommes. Hostile aux États-Unis d’Amérique, au sionisme et au mondialisme, il partage des idées assez semblables à celles de l’Étatsunien réfractaire Lyndon LaRouche. Ce proche du théoricien nationaliste-révolutionnaire Norberto Ceresole s’élève vite contre l’épuration des cadres de l’armée entreprise par le gouvernement néo-démocratique de Raul Alfonsin. En 1988, il s’empare de la caserne de Villa Martelli près de Buenos Aires. Attaché militaire au Panama, il assiste à l’invasion et à l’occupation de ce petit pays stratégique par la soldatesque yankee en 1989. La scandaleuse arrestation de Manuel Noriega préfigure celle des présidents résistants Slobodan Milosevic, Saddam Hussein et Radovan Karadzic ainsi que l’assassinat du Guide Libyen Kadhafi. Sous la présidence du traître péroniste et kleptocrate notoire Carlos Menem, le colonel Seineldin fomente en 1990 un second coup d’État qui échoue en raison de la torpeur des troupes et de l’apathie de la population. Mohamed Ali Seineldin devient la principale figure des « carapintadas », ces militaires nationaux-révolutionnaires qui maquillent leur visage de camouflage. Malgré les échecs répétés, les « carapintadas » marqueront durablement le lieutenant-colonel des parachutistes vénézuélien Hugo Chavez.

MAS-livre.jpgArrêté puis jugé, Mohamed Ali Seineldin est condamné à la détention perpétuelle. Il rédige en 1992 dans sa cellule une Synthèse du projet mondialiste « Nouvel Ordre » qui doit être imposé dans les nations ibéro-américaines. Il dénonce dans cette brochure le « Nouvel Ordre mondial » et l’impérialisme cosmopolite étatsunien. Gracié par le président Eduardo Duhalde en 2003, il réintègre le cadre de réserve des forces armées. Ce partisan des aires de développement autocentrées crée d’abord un groupuscule politique, le Mouvement pour l’identité nationale et l’intégration ibéro-américain, avant de rejoindre le Parti populaire de la Reconstruction d’orientation nationaliste catholique fondé en 1996 par l’un de ses anciens lieutenants, Gustavo Breide Obeid. Le colonel Seineldin soutient donc une troisième voie nationale, populaire, sociale et continentale autant opposée à l’ultra-libéralisme bankstériste qu’au collectivisme marxiste. Il n’hésita jamais au cours de sa vie à mettre ses idées au bout de sa peau, quitte à le payer parfois chèrement.

Le colonel Mohamed Ali Seineldin représente aux côtés du « Commandant Zéro », le Nicaraguayen Eden Pastora, et du « Commandante » bolivarien Hugo Chavez, l’exemple même du combattant politique soucieux des intérêts conjoints de sa nation et de l’Amérique romane. Sa vie demeure plus que jamais une source d’inspiration pour tous les révolutionnaires-conservateurs du monde entier.

Bonjour chez vous !

Georges Feltin-Tracol

« Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 137, pour Europe Maxima.

mardi, 08 janvier 2019

L’Amérique latine en quête d’indépendance

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L’Amérique latine en quête d’indépendance

par Oscar Fortin

Ex: http://www.zejournal.mobi

L’histoire de l’Amérique latine nous apprend que cette dernière a été et continue d’être considérée comme « la cour arrière des États-Unis ». La doctrine Monroe en consacre la légitimité et donne à Washington tous les pouvoirs sur le Continent.

1) Les États-Unis ont reconnu, l’année précédente, l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines ; en conséquence de quoi, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud ne sont  plus ouvertes à la colonisation européenne.

2) Les États-Unis regardent désormais toute intervention de leur part dans les affaires du continent américain comme une menace pour leur sécurité et pour la paix.

3) En contrepartie, les États-Unis n’interviendront jamais dans les affaires européennes.

La doctrine de Monroe se résume en définitive comme suit : « l’Amérique aux Américains ».

De fait, la reconnaissance de l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines de la part de Washington permettait à ce dernier de se défaire de la présence des pays colonisateurs européens tout en ouvrant toute grande la porte pour qu’il puisse y régner en maître. L’indépendance de ces pays serait respectée dans la mesure où ces derniers harmoniseraient leurs politiques avec ses propres intérêts. De là l’expression bien connue qui qualifie l’Amérique latine comme étant la « cour arrière des États-Unis ».

On ne saurait comprendre ce qui se passe, présentement, en Amérique latine sans faire référence à cette Doctrine Monroe qui ne répond qu’aux intérêts de Washington. L’histoire des conflits du siècle dernier et ceux d’aujourd’hui illustrent de manière claire et sans équivoque le veto unilatéral de Washington sur l’indépendance et la souveraineté des pays du Continent latino-américain.

La révolution du Peuple cubain (1958-1959), sous la direction de Fidel Castro, visant la destitution du dictateur Batista, en était une qui reposait sur l’indépendance et la souveraineté de ce peuple. De toute évidence, Batista était l’homme de main de Washington lui permettant d’agir à sa guise à Cuba. Nous connaissons de plus en plus l’histoire de cette révolution qui fut et est toujours victime de l’interventionnisme de Washington. Le seul « blocus économique » qui dure depuis plus de 59 ans et que condamnent, année après année, les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies représente un véritable crime contre l’humanité.

La révolution du Peuple chilien (1973) reproduit les mêmes comportements de Washington à l’endroit de l’indépendance et de la souveraineté de ce Peuple. À la différence de Cuba où régnait un dictateur, Salvador Allende prit le pouvoir en respectant le cadre démocratique prévu à la constitution chilienne.  Ses politiques se sont concentrées sur la récupération des richesses du pays, dont le cuivre occupe une place importante, pour en faire bénéficier le peuple. Il a agi avec les pouvoirs d’un État indépendant et souverain, dans le respect du droit international. C’était déjà trop. Washington avait déjà préparé tout son arsenal politique, économique et militaire, pour en finir avec le gouvernement de Salvador Allende. Nous connaissons l’histoire des bombardements de la Moneda (édifice du parlement chilien), de la trahison du général Augusto Pinochet ainsi que tous les crimes qui en ont suivi.

La révolution du peuple vénézuélien (1998), sous la direction d’Hugo Chavez s’impose par une élection libre et démocratique qu’il remporte avec grande majorité. Donnant suite à ses promesses électorales, il procède dès les premiers instants à la rédaction d’une nouvelle constitution, écrite et voulue par le peuple. Soumise à un référendum, l’année suivante, elle fut acceptée avec une très grande majorité. Il s’agit d’une révolution qui consacre la démocratie participative, donnant ainsi au peuple un droit de regard et d’intervention dans l’exercice des pouvoirs de l’État. Il s’agit également d’une révolution de format socialiste, humaniste, chrétien et anti-impérialiste. Encore là, Washington et les oligarchies locales ne l’entendirent pas de la même manière. Au diable, la démocratie, en avril 2002, le gouvernement est victime d’un Coup d’État et son président, Hugo Chavez, est enlevé de force et détenu en un endroit secret. En un rien de temps, le peuple et l’armée restée fidèle sont descendus dans les rues et ont repris le contrôle de la résidence du Président et arrêter les auteurs de ce coup d’État. Depuis lors, les tentatives d’intervention pour éliminer ce gouvernement n’ont cessé. Le 11 janvier prochain, on annonce une intervention musclée pour empêcher l’assermentation du  président Nicolas Maduro, élu avec grande majorité, en mai dernier, pour le mandat allant de 2019 à 2025.

Je pourrais ajouter à ces révolutions celles de la Bolivie, avec Evo Morales, du Brésil, avec Lula et Dilma Rousseff, de l’Équateur, avec Rafael Correa, du Nicaragua, avec Daniel Ortega, d’Argentine avec Hector y Cristina Kirchner. Le format d’intervention est toujours le même : guerre économique, désinformation sous toutes ses formes , mise à contribution des épiscopats catholiques qui s’apparentent bien souvent aux forces de l’opposition politique.

C’est dans ce contexte que se présente la grande alliance du Vatican et de Washington. Pendant que ce dernier veut récupérer ses pleins pouvoirs sur les gouvernements de l’Amérique latine, le Vatican veut se défaire de tout ce qui raisonne communisme, socialisme, anti-impérialisme, etc. À toute fin pratique, les deux s’entendent sur les mêmes ennemis sans pour autant partager les mêmes objectifs.

En 1982, à la bibliothèque du Vatican, un premier Pacte a été signé entre le pape Jean-Paul II et Ronald Reagan.  Ils en étaient à leur premier contact. Il s’agissait, à cette époque, de la Pologne et des mouvements socialistes en A.L, dont la théologie de libération qui en  faisait partie.

En 2014, un second Pacte est signé, cette fois entre le pape François et Obama. Ce dernier n’arrive toujours pas à se libérer de Maduro au Venezuela, de Lula et Dilma Rousseff au Brésil, de Daniel Ortega au Nicaragua, etc. L’aide du Vatican et des épiscopats nationaux de ces pays s’impose.

Dans certains de ces pays, les épiscopats utilisent à plein régime la « religion » avec tous ses symboles pour discréditer les gouvernements au pouvoir et soulever le peuple contre ces derniers. Ils assument, pratiquement en totalité, les fonctions d’une opposition qui a perdu toute crédibilité. Ils en arrivent eux-mêmes à perdre la leur. Ça sent beaucoup la « religion opium du peuple ».

Liens:

https://www.mondialisation.ca/nouveau-pacte-entre-le-vati...

http://www.elcorreo.eu.org/Nouveau-pacte-entre-le-Vatican...

https://www.courrierinternational.com/article/2005/04/07/...

http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/lamerique-latine...


- Source : Humanisme Blogspot

vendredi, 19 janvier 2018

El indigenismo la etapa superior del imperialismo

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El indigenismo la etapa superior del imperialismo

Ex: https://www.geopolitica.ru

Andrés Soliz Rada, en su ensayo “Pugna de modelos civilizatorios: indigenismo o Estados continentales”, alcanza plena y brillantemente la realización de su propósito: demostrar que el indigenismo como modelo de cambio civilizatorio es un engaño. El gran maestro altoperuano, en su esplendido ensayo,  demuestra categóricamente:

  1. Que todas las ONG que, en Bolivia,  patrocinan a los indigenistas –sean estos de buena o de mala fe- están financiadas por los grandes bancos anglonorteamericanos, por los paraísos fiscales –nidos de la corrupción mundial- ,  por el gobierno de los Estados Unidos a través de USAID y,  por las grandes compañías petroleras que, han teñido de sangre la historia de América Latina y el Tercer Mundo.
     
  2. Que las grandes potencias subvencionan a las ONG y, las grandes empresas trasnacionales las financias, porque son una prolongación de sus políticas.
     
  3. Que el fortalecimiento de las ONG precedió a la renovada ofensiva imperialista en contra de los Estados in constituidos y, de sus intentos de avanzar en procesos de integración regional.
     
  4. Que, aprovechando la generalizada sensibilidad social que originó la conmemoración de los 500 años de la colonización hispánica, el darwinismo social, después de usufructuar por siglos la supuesta superioridad de una culturas sobre otras, luego de proclamar que el pensamiento occidental es la máxima conquista del pensamiento contemporáneo,  afirma ahora que, sus fundamentos tienen el mismo valor que usos y costumbres tribales cuyas prácticas condenan, a los pueblos de la periferia,  al subdesarrollo y la impotencia política.
     
  5. Que el fundamentalismo indigenista es una construcción neocolonial,  ejercitada por seudoizquierdistas,  para destruir a los Estados nacionales in constituidos e impedir la construcción de un Estado continental latinoamericano, único instrumento político capaz de enfrentar, con éxito,  a las grandes compañías transnacionales, al capital financiero internacional y,  a las grandes potencias del siglo XXI. 

Hace ya muchos años, Jorge Abelardo Ramos – el profeta de la Patria Grande, el padre de la izquierda nacional- escribía premonitoriamente: “El imperialismo está extendiendo en América Latina un nuevo motivo de división. Con motivo del comienzo de la celebración del V Centenario de Descubrimiento de América, se han multiplicado las manifestaciones, ingenuas a veces, pérfidas otras, de repudio a la España  de la Conquista y a la evangelización. Por el contrario se glorifica a las razas indígenas…Muy noble resulta la tesis de la defensa de los indios. Pero muy sospechoso es el origen. Pues separar a las masas indígenas o negras, de las criollas o blancas de la actual Nación Latinoamericana, es acentuar las condiciones de esclavización general y de la balcanización hasta hoy lograda.  Se trata  –y  he aquí el servicio que rinde una vez más la ‘izquierda’ y los ‘progresistas’ al  imperialismo- , de separar a las etnias, después de haber separado a las clases y a los Estados del magno proyecto bolivariano. Es una campaña contra la Nación latinoamericana”[1]

Después de leer atentamente el brillante ensayo de Andrés Soliz Rada no tenemos  ninguna  duda de que, atreves del “fundamentalismo indigenista”, se están sembrando en Bolivia las semillas de su futura fragmentación territorial. El imperialismo, oportunamente,  regara esas semillas para hacerlas germinar.  Mientras tanto estarán sembradas esperando el impulso imperial que las haga germinar para que, creciendo destruyan, completamente, la unidad boliviana y, con ella, el pivote estratégico de la integración peruano argentina o más precisamente andina rioplatense.

Una integración, es decir la de los hispanoparlantes que es -como nos enseño Alberto Methol Ferre -  la única garantía para que, la integración de la América del Sur, no termine siendo un disfraz de la hegemonía de la “oligarquía paulista bandeirante”  que, con un discurso integracionista, disfraza, muchas veces,  la expansión de sus grandes empresas en la América del Sur de cooperación fraternal. Si Bolivia se fragmenta, "chau", posibilidad de que todos los hispanoparlantes -vuelvo a insistir como nos enseño Methol- nos sentemos juntos para luego sentarnos con nuestros hermanos lusoparlantes y, evitar de esta forma que, nuestro "oligarquía paulista bandeirante" caiga en la tentación de dominarnos y explotarnos con palabras dulces al oído. Sin Bolivia, la unidad de los hispanoparlantes está perdida. En Bolivia,  como durante las guerras de la independencia, se juega, un vez más, el destino de la Patria Grande, nuestro destino.

* Marcelo Gullo  en 1981, comenzó su militancia política contra la dictadura militar que, desde 1976 había usurpado el poder. Doctor en Ciencia Política por la Universidad del Salvador, Licenciado en Ciencia Política por la Universidad Nacional de Rosario, Graduado en Estudios Internacionales por la Escuela Diplomática de Madrid, Magister en Relaciones Internacionales, especialización en Historia y Política Internacional, por el Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales, de la Universidad de Ginebra. Discípulo del politólogo brasileño Helio Jaguaribe y del sociólogo y teólogo uruguayo Alberto Methol Ferré, ha publicado numerosos artículos y libros, entre ellos Argentina Brasil: La gran oportunidad (prólogo de Helio Jaguaribe y epílogo de Alberto Methol Ferré) y La Insubordinación Fundante: Breve historia de la construcción del poder de las naciones (prólogo de Helio Jaguaribe). Este libro fue traducido al italiano y publicado en el 2010, en Firenze por la editorial Vallecchi, con el título: “La costruzione del Potere”. Asesor en materia de Relaciones Internacionales de la Federación Latinoamericana de Trabajadores de la Educación y la Cultura (FLATEC) . Profesor de la Escuela Superior de Guerra y de Universidad Nacional de Lanús. Prosecretario del Instituto de Revisionismo Histórico Nacional e Iberoamericano Manuel Dorrego.


[1] RAMOS, Jorge Abelardo, Judíos y quechuas en el campo de batalla del imperialismo,  Buenos Aires, Revista Marcha, Nª 12, 23 de octubre de 1986, págs., 13 y 14. 

 

vendredi, 03 septembre 2010

El filosofo come intelectual pùblico

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El filósofo como intelectual público

 

Alberto Buela (*)

Le ha pasado a muchos, y nos ha pasado también a nosotros, que después de dictar clase durante años en la universidad, dejaron la enseñanza para limitarse a la investigación propia, a pensar sin ataduras, programas ni horarios.

 

 

 

Pero, por qué se toma este tipo de decisión tan vital: a) Por la íntima y subjetiva convicción del filósofo (ocurre con otras disciplinas también), que si bien la práctica filosófica requiere como condición el ejercicio académico, al menos durante un tiempo, esa práctica filosófica no se agota en ejercicio académico. Y b) porque son  muy pocos los que pueden soportar la presión del ejercicio simultáneo de la filosofía en dos escenarios tan diferentes como el público y la academia. No sólo porque existen dos juegos de lenguajes: el propio de la academia con sus tecnicismos, cuanto más mejor, que circula en el interior de las facultades de filosofía y se expresa en las publicaciones especializadas. Esa verborrea bizantina que hizo exclamar a Nietzsche: “ciertos profesores de filosofía oscurecen las aguas para que parezcan más profundas” .

Y el propio de lo público, vinculado a las formas de opinión pública (TV, radio, diarios, conferencias abiertas) y al uso del lenguaje cotidiano. Y en este campo vale el apotegma de Ortega: “la claridad es la cortesía del filósofo”.

A esto hay que agregar que, quien decide intervenir sobre lo público corre el riesgo de perder el empleo público como profesor universitario o investigador. La reticencia de los académicos a pegar el salto es más bien por este último motivo que por el anterior.

Además desde el lado académico se lo comienza a considerar en una categoría menor como la de “ensayista”.  Dice Owe Wikstrom en Elogio de la lentitud  que el ensayo es un intento, ese es su sentido etimológico, donde el autor mezcla lo pequeño y lo grande de manera personal [1]. Y agregamos nosotros, El ensayo llega a conclusiones, enumera las pruebas más que detenerse en el método que convalida las pruebas. Por otra parte el ensayo fue durante muchos años un producto típicamente hispanoamericano, tenido por un género menor por los autores de manuales académicos al estilo europeo.

 

Es interesante notar que la figura del intelectual público es tan vieja como el ejercicio de la filosofía, el ejemplo clásico es Sócrates. En cuanto al intelectual académico recién aparece con cierta regularidad a partir de la década del cuarenta del siglo XX. El caso argentino es emblemático, antes del 40 todos los filósofos, no había tantos, eran intelectuales públicos y es a partir de esos años que son incorporados a sueldo mensual en las plantillas universitarias. Esto produce un enriquecimiento de la Universidad que luce con las mejores ropas de toda su historia durante 15 años hasta que en 1955 es intervenida por el poder político de turno. Las consecuencias fueron nefastas pues la Universidad se encerró en sí misma y ya no produjo filósofos[2] sino, a lo sumo, buenos investigadores.

En estos últimos veinte años ha aparecido una variante del intelectual público, la del “yeite o curro filosófico”, para decirlo en lunfardo. La de aquellos profesores de filosofía que le han buscado la vuelta a tan noble disciplina para ganar dinero con ella. Así aparecieron los filósofos terapeutas como Lou Marinoff (Más Platón y menos Prozac), los filósofos de la vida que dictan seminarios en su casa, los filósofos mundanos como nuestro Sebrelli que dicta seminarios de verano en las playas de Punta del Este, los filósofos críticos de la sociedad que dictan sus clases en algún organismo internacional bien pagos, los filósofos que dictan ética empresaria, a empresarios ricos con empleados pobres, etc., etc.

 

La figura del intelectual público no es ni la de un académico erudito ni la de un experto “chanta o farabute” como los que acabamos de mencionar. Él posee una cultura general y se interesa en poner ideas nuevas o viejas, pero siempre diferentes en debate. Deja de lado las interpretaciones especializadas que los académicos discuten entre pares y busca o intenta la interpretación sencilla y general. Es que él, como buen filósofo, es un maestro en generalidades. Piensa a partir del disenso frente a lo políticamente correcto y al pensamiento único. Es no conformista y rechaza la especialización siempre vinculada a una pequeña elite. Es que la universidad moderna ha legitimado un saber de eruditos y ha terminado minando la cultura intelectual común de los pueblos. Su saber no es un saber ilustrado, un saber sólo de libros, sino que intenta un saber sobre las cosas que son y suceden en la vida pública, que no es otra cosa, reiteramos, que la vida de los pueblos.

El filósofo como intelectual público pierde mucho tiempo de su vida hablando con unos y con otros, en reuniones infinitas y en conferencias multitudinarias en donde no se sabe bien qué es lo que llega a entender el receptor. De ahí su exigencia de claridad expositiva. Se le va gran parte de su vida tratando de construir una opinión distinta a la dada en o sobre personajes que puede llegar a tener alguna ingerencia política o social. Trabaja sobre “lo que es” pero con vistas “al deber ser”, pues para él, el ser es lo que es más lo que puede ser. Ningún profesor de filosofía de los miles de cagatintas que existen puede llegar a pensar así, pues sólo recitará al respecto las lecciones de Aristóteles o Heidegger.

 

Hace unos años apareció un libro de Richard Posner Intelectual público, un estudio de su decadencia [3] en donde sostiene que “el intelectual público es un no especialista y eso mismo era, tradicionalmente, el filósofo” [4], y a reglón seguido nombra todos “paisanos” como él (¡qué vocación de autobombo que tienen!) Nussbaum, Habermas, Dworkin, Nagel, Singer, Putman, etc., cuando en realidad son otros los genuinos intelectuales públicos en el mundo: los Franco Cardini, Massimo Cacciari, Marco Tarchi, Pietro Barcelona, Giacomo Marramao, Marcello Veneziani, Gustavo Bueno, Fernández de la Mora, Aquilino Duque, Sánchez Dragó, Javier Ruiz  Portella, Javier Esparza, Claude Rousseau, Alain de Benoist, Julián Freund, Michel Maffesoli, Jean Cau, Tomislav Sunic, Günter Maschke, Ernst Nolte, Alexander Dugin et alli. Y aquí en nuestro medio se destacan Silvio Maresca, Máximo Chaparro, Luís María Bandieri, Jorge Bolivar, Alberto Caturelli, Oscar del Barco, González Arzac y tantos otros.

Tenemos también nosotros, hoy como moda, otros intelectuales mucho más promocionados y publicitados por los mass media como Feimann, Forster, Aguinis, Kovaldoff, T. Abraham, Rotzitchner, pero no pueden ser considerados “intelectuales públicos” porque son intelectuales orgánicos del gobierno de turno o del régimen político. O peor aún están al servido del lobby  explotador del pobrerío más poderoso de Argentina.

Es que el intelectual público tiene como método el disenso sobre el orden constituido que siempre le parece un poco injusto. La premisa que guía su pensamiento es aquella de Platón: “la filosofía es ruptura con la opinión”, y sobre todo con la “opinión publicada”. Y este el es criterio para juzgar adecuadamente a un intelectual público.

 

Es apropiado distinguir que lo público está constituido por el ámbito de interés compartido de las fuerzas de una sociedad. Cuando a partir de los años 80 se limitó lo público al espacio se le castró su sentido, su finalidad y al ser reducido solo a espacio (el gravísimo error de Habermas) pasó a ser entendido como de nadie y por lo tanto lo puedo tomar. Claro está, esto no pasa en Alemania que son todos ilustrados, pero sucede a diario en todo el mundo bolita que es el nuestro.

Lo público debe de ser pensado como función (vgr.: la empresa pública, la tierra pública, la televisión pública) no puede ni debe quedar reducido a espacio público donde la práctica deliberativa de la democracia discursiva (sic Habermas) tiene lugar. El espacio público como lugar de la asamblea. Esto es una estupidez, un engaña pichanga, un gatopardismo para que todo siga igual[5].

 

De modo que el intelectual público no es un simple discutidor, un charlatán, un hablador por hablar sino que antes que nada y sobre todo tiene que tener en cuenta la función o finalidad de lo público y de aquellas cosas que se presentan como problemas públicos-políticos.

De modo tal que si juntamos ruptura con la opinión publicada, práctica del disenso y producción de sentido obtendremos un genuino intelectual público

 

(*) alberto.buela@gmail.com – Univ.Tec. Nac. (UTN)



[1] Owe Wikstrom: Elogio de la lentitud, Ed. Norma, Bs.As. 2005

[2] Nunca más filósofos de la talla de un Luís Juan Guerrero, Saúl Taborda, Nimio de Anquín, Miguel Ángel Virasoro, Alberto Rougés. Una de las grandes mentiras es que la decadencia de la universidad de Buenos Aires se produjo en 1966 durante el gobierno de Onganía. Eso es lo que nos ha hecho creer el pensamiento políticamente correcto de los marxistas, los liberales, los democristianos y los progresistas, el golpe de gracia a la Universidad se lo dio la intervención de la revolución “entregadora” de 1955.

[3] Postner, Richard: Public intellectuals. A study of decline, Cambridge, Harvard University Pres, 2001

[4] Ibídem, p. 323

[5] Cfr. Nuestro artículo en Internet 

 

 

 

 

 

 

 

Algo sobre lo público